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Vers une culture populaire et démocratique
Par Thierry Renard

« Le problème pressant qui se pose à nous serait donc, en termes politiques, de substituer à l’appel mensonger d’une culture totalitaire quelconque la création réelle d’une culture démocratique. Il ne s’agit pas de contraindre à l’art les masses qui lui sont indifférentes, il s’agit d’ouvrir le domaine de la culture à tous ceux qui veulent l’atteindre. Autrement dit, le droit à la culture, c’est purement et simplement la volonté d’y accéder ».
André Malraux, postface aux Conquérants, 1949

Nous sommes dans un pays, la France, où le vent de la culture a toujours, directement ou indirectement, soufflé sur les esprits. Ce vent, depuis 1959, a pris date, forme et nom, avec la création d’un ministère qui lui était dédié et la nomination à sa tête d’un intellectuel et immense écrivain, André Malraux. Ce souffle, à la fois multiple et un, a de temps à autre été négligé, voire malmené, mais il a cependant continuellement su traduire en mots non seulement une émotion collective, mais aussi une intuition ainsi qu’une intention.

La « culture pour tous », tel fut le premier mot d’ordre du premier ministre de la Culture de la cinquième République. Aujourd’hui, plus de cinquante ans après la nomination de Malraux par le général De Gaulle, où en sommes-nous ? Où en sommes-nous, avec deux des principes fondateurs à l’origine du ministère, démocratie et démocratisation culturelles ?

Le vent est devenu pluriel. Et ses souffles sont, quelques fois, contradictoires.

Le rêve de Malraux, bien entendu, subsiste encore. Ce rêve dit, aussi clairement que possible, que chacun d’entre nous peut, un jour ou l’autre, être « atteint » par l’art et ses plus grandes œuvres. Chacun : d’où qu’il vienne, et quelle que soit sa place parmi nous !Mais, signe des temps nouveaux, on confond désormais culture et civilisation, identité et appartenance. Et l’on a remplacé un peu hâtivement le concept de « culture pour tous » par celui, voisin mais distinct, de « culture pour chacun » — le pluriel brutalement est devenu singulier.

L’individu et le groupe, tout le problème est là, toujours. Et la question n’est pas tranchée. Albert Camus, en son temps qui fut aussi celui d’André Malraux, pensait fortement que les deux étaient inséparables, et qu’il fallait donc veiller au fragile équilibre de leurs liens. C’est bien, encore, l’un des enjeux d’aujourd’hui. Et, si l’art et la culture se doivent d’aller ensemble, ils ne partagent pas forcément les mêmes ambitions et les mêmes définitions.

L’art est le fruit d’une libre expression, solitaire le plus souvent et pourtant, en de rarissimes occasions, assez vivement partagée. L’art offredes métaphores,issues des profondeurs de l’imaginaire et porteuses pareillement d’une vision élargie, ou décalée,à notre civilisation. La culture, pour sa part, est notre « biencommun » le plus précieux. Elle découle des pratiques et des politiques culturelles, de l’éducation populaire comme de l’éducation artistique, de l’émergence aussi bien que de l’exigence. Disant cela, nous n’avons pas tout dit. Nous avons simplement repéré une vérité, et une vérité pas seulement symbolique.

L’art pour l’art n’existe pas. L’art naît des circonstances, face à une réalité historique — l’un de ses buts principaux étant de la transcender. Et la « culture pour tous » demeure l’un des grands défis de demain.

Mais, impatients, nous n’attendrons pas l’avenir. Il nous faut agir au présent, et, encore, inventer et bâtir. Il nous faut rendre le futur plus immédiat. Être ici, c’est déjà prendre date. C’est marquer la terre de nos pas.

Lyon, le 1er et le 2 mai 2012


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