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Une histoire populaire de la Côte d’Azur
Un entretien avec les auteurs, Philippe Jérôme et André Baudin, à l’occasion de la parution du tome 4 de cet ouvrage


Les auteurs de cette « saga » (4 tomes) sont deux journaliste, Philippe Jérôme et André Baudin. Philippe Jérôme, est journaliste à L’Humanité après avoir été rédacteur à l’hebdomadaire Patriote Côte d’Azur de 1982 à 1999. Journaliste et écrivain "du Sud", André Baudin a exercé dans plusieurs journaux méditerranéens (Le Provençal, Nice-Matin, Var-Matin). Jacques Barbarin

Vous venez de sortir le 4ème tome de Une Histoire populaire de la Côte d’Azur. Ce titre me rappelle celui du ivre de Howard Zinn [1], Une histoire populaire des Etats-Unis.

Philippe Jérôme : Le livre de Howard Zinn est mon livre de chevet. J’ai fait connaissance avec lui lorsque j’étais à la fac. C’était un historien assez connu dans les milieux de gauche, aux Etats Unis mais aussi en France. Pour son livre, ce qui m’a intéressé dans sa façon de faire, c’et sa méthode de travail et sa philosophie : il s’est surtout intéressé à l’histoire des minorités, des syndicats, le la classe ouvrière aux Etats Unis, du féminisme, des noirs… Il ne traite pas ces histoires au travers de leurs leaders historiques, mais de l’action de ces minorités. Il a repris l’idée de Marx que ce sont les peuples qui font l’histoire.

André Baudin : un journaliste de Nice Matin avait écrit que « Raoul Mille a écrit l’histoire de la Côte d’Azur à travers ceux qui ont vécu dans les palaces, André Baudin et Philippe Jérôme ont écrit cette histoire à travers ceux qui ont construits ces palaces ». Nous avons écrit l’histoire des gens qui ne sont pas dans les livres d’histoire. Celle-ci est toujours écrite par les vainqueurs, et la bourgeoisie à tendance dans ses livres d’histoire à privilégier l’histoire des leaders.

P.J : Ce qui n’empêche que nous ayons fait le portrait de certaines personnalités politiques, culturelles… qui ont aussi marqués l’histoire de la Côte d’Azur, comme Jean Vigo, Célestin Freinet. Mais aussi des gens moins connus mais qui ont joué un rôle important : Louis Ténérini, un syndicaliste, un petit ouvrier du bâtiment avant-guerre et qui est devenu un dirigeant du syndicalisme mondial dans les années 70.

Vous abordez aussi l’histoire nationale, voire internationale, comme la guerre de 14-18.

A.B. : Nous l’abordons notamment à travers l’histoire du XVème corps, premier corps d’armée à être envoyé sur le front, face à l’artillerie allemande, alors la plus puissante du monde. Ils y sont allés avec leurs baïonnettes et ils ont été massacrés. A Nice, le monument aux morts, c’est celui du XVème corps. Ils ont été envoyés bien avant les Algériens, les Africains et les Corses. C’étaient des Niçois et des Toulonnais. Pourquoi ont-ils été envoyés en premier ? Quelques années auparavant, ce corps d’armée avait était envoyé en Languedoc pour mater la révolte des vignerons, et ils se sont solidarisés avec les vignerons en levant la crosse. On peut penser que c’est une revanche. Ensuite il a fallu masquer l’erreur des généraux de l’état-major français qui penser que aller à Berlin était une question de jour. Pour masquer la faute de l’état major, on a trouvé un bouc émissaire, le XVème corps : ce sont des Provençaux, des joueurs de guitare, ils ne pensent qu’à se réjouir, faire la fête, ce ne sont pas des soldats, et si l’on a perdu la bataille, c’est de leur faute. A tel point que lorsqu’ils étaient blessés, certains médecins refusaient de les soigner.

P.J : Sur l’idée de traiter les grands événements, il faut remarquer que les quatre tomes sont articulés autour de grandes dates, non seulement sur le plan international mais sur le plan local : 1860, où commence le 1er tome, c’est l’annexion, comme dirait Garibaldi, de Nice à la France ; 2000, date qui termine le dernier tome, c’est le traité européen de Nice. Et à chaque tome nous abordons des « fractures » de l’histoire : 1914, 1939, mai 68… Nous prenons ces grands événements et nous essayons de les traiter avec un angle – je ne dirais pas original – mais un peu particulier. Ainsi, si on prend la guerre d’Algérie, on la traite au travers de l’équipe de football du FLN constitué au départ avec des joueurs qui jouaient à l’AS Monaco. Si on prend la libération, nous traitons du festival de Cannes.

Vous êtes deux journalistes. Vous êtes vous sentis plus journalistes qu’historiens en écrivant Une histoire populaire de la Côte de d’Azur ?

P.J : Je dirais un peu des deux. On dit que les journalistes sont des historiens du quotidien, on se retrouve avec la même matière à traiter mais avec du recul. Je pense que les techniques sont à peu prés les mêmes. Une des périodes les plus « délicates » au niveau des faits est la période 39-45, traitée dans le tome 3 a été supervisé par Jean Louis Panicacci [2]. Sans prétendre à une objectivité complète, il y a quand même une certaine rigueur au niveau du traitement des faits.

A.B : C’est un regard de journalistes sur l’histoire. Tous les tomes ont été relus par des universitaires, et des historiens, y compris par « Les amis de la liberté », qui éditent les textes, où il y a beaucoup d’universitaires.

Venons – en à la résistance et à la libération de Nice.

A.B : La résistance dont nous parlons et d’abord une résistance politique. Elle s’est manifestée d’abord contre le régime de Pétain. Il a fallu faire une résistance d’éducation politique, clandestine, qui n’a pas été facile à mener, dans un contexte d’occupation. Cette résistance à trouvé du sang avec la chute de Stalingrad. D’un seul coup, l’espoir à changé de camp. Pour la libération de Nice, le comité de Libération a décidé la grève générale. Pour avoir des armes, les FTP sont allés désarmer un maquis gaulliste d’officier de réserve qui ne voulaient pas participer à l’insurrection.

Chaque chapitre est en deux parties, la deuxième est en grisé, et en encadré, c’est en général un portrait, comme par exemple Joseph Darnand dans le tome 3, ou Louis Ténérini dans le tome 4.

A.B : C’est une idée purement journalistique, ce qu’on appelle « l’encadré » : quand on fait un reportage, on met en exergue un événement qui illustre ce reportage . Ici, c’est soit un portrait soit un événement, qui éclaire le chapitre concerné. Darnand, qui avait une entreprise à Nice, a créé la Milice, la Légion. Il y avait à Nice à ce moment-là des milliers de légionnaires. Nice était « la fille ainée de la Révolution Nationale ».

P.J : Il y a donc une série de portraits, puis des événements qui sont caractéristiques de la période traitée, comme la création de Sophia-Antipolis, caractéristique d’une mutation économique de la Côte d’Azur dans les années 70. Cela nous permet de parler de son créateur, le sénateur Laffite [3]., ou alors des événements comme la tragédie de l’aéroport, une catastrophe qui intervient au moment où les luttes sociales sont particulièrement intenses.

Il faut lire « Une histoire populaire de la Côte d’Azur », que l’on habite la Côte d’Azur ou non, pour nous décrasser les yeux des clichés et des images d’Epinal qui courent à la vitesse maxima sur cette région. C’est l’histoire écrit par deux journalistes. Cela se lit aisément, passionnément, avec cette passion qu’on dû éprouver André Baudin et Philippe Jérôme pour leur pays et qui se sent à chaque ligne.

Illustration : couverture de « Une histoire populaire de la Côte d’Azur » tomes 4

Une histoire populaire de la Côte d’Azur, éditions des amis de la Liberté
Tome 1 : 1860 - 1914
Tome 2 : 1919 – 1939
Tome 3 : 1939 – 1968
Tome 4 : 1968 – 2000
Le premier tome est signé Philippe Jérôme, les 3 autres ont été écrits « à quatre mains ». Les « premières de couverture » sont signées Ernest Pignon Ernest pour le 1, Edmond Baudin pour les 2 et 4, Jacques Ferrandez pour le 3.
Librairie Masséna, 455 rue Gioffredo à Nice, 06000, 04 93 80 90 16, http://www.librairiemassena.com

Notes :

[1Howard Zinn (1922-2010) est un historien et politologue américain, professeur au département de science politique de l’université de Boston durant 24 ans. Auteur de vingt livres dont les thèmes (monde ouvrier, désobéissance civile et « guerre juste ») sont à la croisée de ses travaux de chercheur et de son engagement politique. Une histoire populaire des Etats-Unis est publiée aux Editions Agone.

[2Ancien maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Nice, un spécialiste de la Seconde guerre mondiale dans les Alpes Maritimes.

[3Pierre Laffite, né en 1925 à Nice, est à l’origine, en 1968, de la technopole de Sophia -Antipolis. Il y fait construire, à partir de 1973, des bâtiments pour abriter des laboratoires de l’École des Mines de Paris.


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