Les deux livrets mis à notre disposition par Witold Zaniewicki sont de la plume de son aïeul, Wadislaw Polubiński. Ils furent publiés sous pseudonyme à Wilno en 1850. Curieusement, la censure ne s’exerça qu’après l’arrestation de l’auteur.

« Le premier livret, écrit Witold Zaniewicki, dénonce l’apathie de la société lituanienne, en fait de la noblesse car la paysannerie est toujours en servage, cette société arriérée qui a perdu son âme. Il incite au réveil de l’esprit et non à la lutte armée. »

« Le deuxième livret établit une typologie des femmes lituaniennes et préconise leur égalité avec les hommes, ce qui, à l’époque est quand même extraordinaire. »

Witold Zaniewicki soupçonne une appartenance maçonnique. Plusieurs indices, citation, expression, symbole, permettent de le penser. L’auteur apparaît comme un précurseur du positivisme « varsovien » qui s’épanouira après l’insurrection de 1864.

Wadislaw Polubiński fut déporté sur « ordre impérial », ses biens confisqués, ses titres (il était prince) interdits.

Sébastien Ray présente, afin de mieux faire saisir au lecteur les enjeux autour de ces deux livrets, le Cercle littéraire de Vilnius en 1850, dont l’action fut éphémère en raison des répressions policières. Cependant, il s’inscrit dans le mouvement plus large des revendications démocratiques qui devait aboutir aux insurrections de 1861-1863 en Lituanie. Il replace la parution des livrets dans une série de publications dont Jordan, en 1846, qui fit date :

« Un long poème dramatique en polonais est publié à Vilnius sous le pseudonyme d’Antoni Sowa. Intitulé Jordan (« Jourdain »), il prend le parti du peuple au nom de la fraternité chrétienne et s’indigne de l’égoïsme de la noblesse polono-lituanienne qui l’opprime (…). Son texte fait sensation dans la jeunesse ; Jordan est très vite lu et appris par cœur dans tout le monde polono-lituanien, de Varsovie à Saint-Pétersbourg. »

D’autres écrits suivront, dont les livrets, faisant évoluer les mentalités et monter les revendications. Les livrets, indépendamment de l’histoire de leur auteur, témoignent ainsi d’un moment de l’histoire où les mouvements de libération, parfois balbutiants, se sont construits, non sans difficulté, sous le joug de l’oppression.

Les Livrets de Ladislas de Witold Zaniewicki. Editions Télètes, 51 rue La Condamine, 75017 Paris.