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La diffusion de la poésie en France
Entretien avec Thierry Renard, agitateur poétique depuis 1978

Depuis quand exercez vous en tant qu’éditeur ?
Depuis toujours ! Non, je plaisante… J’ai en réalité commencé en 1978, à l’âge de quinze ans, avec trois amis, par la confection d’un magazine poétique trimestriel : AUBE. Puis, au fil des ans, les livres se sont imposés, comme des suppléments à la revue tout d’abord. Ensuite, à partir de 1991, nous sommes devenus des éditeurs professionnels, avec la création des éditions Paroles d’aube.

Quels ont été votre parcours et vos expériences professionnelles avant de créer votre maison d’édition ?
Je continue sur ma lancée, poursuivant ma réponse précédente. En 1998, nous avons arrêté la revue, après vingt ans d’intense activité. Nous avions besoin d’autre chose, de sang neuf ! Paroles d’aube, pour sa part, fut victime de son développement rapide, de ses succès inattendus et de notre manque d’expérience. Les éditions ont été reprises, en 1999, par le groupe belge : La Renaissance du livre.

Comment est née votre maison d’édition ? Pour quelles raisons ?
Heureusement, deux rencontres ont alors favorisé la création des éditions La passe du vent : Bertrand Degrassat, tout d’abord, l’actionnaire majoritaire de la maison ; l’écrivain Dany Laferrière, ensuite, alors en résidence d’auteur à Grigny (69). C’est lui qui nous a soufflé le nom de la maison. Et c’est grâce à eux deux, et à quelques autres aussi (Jean-Yves Loude, Philippe Faure, Yvon Le Men, Valère Staraselski, Pierre-Jean Balzan), que notre projet (notre ligne ?) éditorial a pu rebondir.

Travaillez-vous seul ? Fabriquez-vous vous–même vos livres ? Externalisez-vous certaines tâches ?
Les éditions travaillent en étroite collaboration avec l’équipe de l’Espace Pandora, où nous sommes cinq permanents. Mais La passe du vent ne dégage pas directement un salaire à temps plein. Les deux structures sont rattachées par une convention d’intérêts et d’objectifs. Les ouvrages sont imprimés à l’extérieur.

Est-ce un choix raisonné et délibéré de s’installer à Paris ? En Province ? Quelles en sont les raisons ?
Notre projet d’origine est né à Vénissieux, dans le Rhône, puis il s’est poursuivi à Grigny… Le siège social des éditions se trouve à Genouilleux, dans l’Ain. Les bureaux de Pandora sont à Vénissieux… Nous sommes très bien comme ça, installés en Rhône-Alpes. Et il fait plus froid à Paris…

Quel est votre sentiment sur l’état de l’édition actuelle ?
On résiste, on persiste, on fait avec… C’est plus difficile qu’il y a vingt ans, mais on demeure optimiste.

La poésie ? Pourquoi éditer de la poésie ?
Parce que c’est notre moteur ! Notre souffle directeur ! La parole pauvre et, paradoxalement, la plus vibrante parole. Comme le dit le poète André Velter, la première parole : poétique, politique, prophétique. Sans la poésie, sans le rythme du poème, nous sommes fichus.

Comment se sont opérés les premiers choix d’auteurs, de textes ?
Grâce à Charles Juliet, rencontré dès 1978. C’est lui qui a ouvert la voie, le chemin. Il a donné à lire et à voir. Grâce à lui, nous avons pu découvrir puis rencontrer Andrée Chedid, Bernard Noël, Jean-Pierre Siméon, Christian Bobin, André Velter, et tant d’autres encore…

Qu’est-ce qui caractérise le plus vos relations à l’auteur ?
Une proximité. Une familiarité. Nous aimons entendre des voix différentes… Mais nous aimons les voix authentiques : graves ou légères ; profondes, mais fermes — malgré les nombreux doutes.

Avez-vous un contrat qui vous lie aux auteurs ? Sont-ils rémunérés en droits d’auteurs, ou non ?
Des contrats, oui, le plus souvent… A part quelques exceptions (des cadeaux, des surprises, des dons…) Environ 10 % de droits d’auteur…

Quel rôle vous attribuez-vous en tant qu’éditeur de poésie ?
Nous sommes des « passeurs » ! Parfois, cela nous arrive, nous sommes des passeurs de talents.

Avez-vous l’impression de contribuer à l’émergence d’auteurs en les publiant ?
Nous l’espérons, en tout cas.

Comment les faites-vous connaître ?
Par les voies habituelles : service de presse, rencontre, lecture, repas entre amis…

Avez-vous un catalogue ? Un fonds ?
Un catalogue, bien entendu, avec 150 titres, environ… Seulement pour les éditions La passe du vent.

Y a-t-il pour vous une notion d’engagement dans la publication de la poésie « vivante et actuelle » ?
C’est, avant tout, une passion et une mission ! Cela demande toute l’énergie du désespoir. Un peu comme quand on s’engage en politique et que l’on désire à la fois « changer la vie » (Rimbaud) et « transformer le monde » (Marx).

Comment définiriez-vous votre personnalité « éditoriale », votre ligne éditoriale, votre éthique en tant qu’éditeur ?
C’est sûrement la question la plus difficile… Tentons, tout de même, une réponse… Il y avait un style (une griffe ?) Paroles d’aube, et il y a désormais un style (une griffe ?) Passe du vent… Nous sommes des éclectiques passionnés, ouverts aux voix les plus sonores. Nous ne voulons pas finir sur un même banc. Trop d’écoles, et trop de courants (d’air ?) ! C’est ignoble ! La liberté est notre seul guide. Nos choix nous mènent par le bout du nez.

Comment faites-vous connaître vos livres ? Quels sont vos circuits de diffusion ? En France, et à l’Etranger.
Nous avons un diffuseur-distributeur « officiel », le CEI (Collectif des éditeurs indépendants). Mais, le plus souvent, nous sommes contraints de passer derrière lui, de doubler son travail.

Participez-vous à des manifestations, ou à des associations regroupant d’autres éditeurs de poésie, qui ont les mêmes convictions que vous ?
Les mêmes ? Pas toujours… Mais, oui, nous participons à de nombreuses manifestations (festivals, salons…) Cela favorise la rencontre, cela permet l’échange.

Trouve-t-on vos livres en librairies ? Lesquelles ?
Réponse habituelle d’un petit éditeur : dans toutes les bonnes (très bonnes ?) librairies, petites ou grandes, petites et grandes…

Comment la situation de votre maison d’édition a-t-elle évoluée depuis sa création ? Et quelle est votre situation économique et financière aujourd’hui ?
Nous tenons, depuis le début, en équilibre sur un fil. L’évolution est lente. Et il y a, parfois, des retours de bâton.

Nombre d’employés : aucun !
Statut : SARL.
Tirage moyen par ouvrage : 1000.
Nombre de titres publiés par an : entre 8 et 12.
Nombre de titres au catalogue : 150, environ.
Chiffre d’affaires : moins de 50 000 €.

Quelles sont vos meilleures ventes ? Et à combien se chiffrent-elles ?
A l’époque de Paroles d’aube, pour des ouvrages d’entretiens : 100.000 pour « L’Amour la solitude », d’André Comte-Sponville ; 40.000 pour « La Merveille et l’Obscur, de Christian Bobin ; 20. 000 pour « Intimes convictions », d’Hubert Reeves. Aujourd’hui, avec La passe du vent, nos plus gros tirages (réimpressions comprises) ne dépassent pas les 5.000 exemplaires… C’est peut-être, au fond, cela qui a le plus changé. Les succès de cette époque n’ont pourtant pas empêché la mort de notre entreprise. Soyons modestes, mais restons fous.

Propos recueillis par Michèle Arroyo


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