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"Jusqu’à la cendre" et "Objet de la Demoiselle"
Remi Boyer recommande ces recueils de Claude Luezior et Claire Boitel

Jusqu’à la cendre par Claude Luezior

C’est une poésie violente pour un monde violent. C’est une poésie lumineuse pour un monde lumineux. Les opposés, qui ne viennent pas nécessairement en coïncidence, et les paradoxes de la vie, qui à la fois se multiplie et s’auto-détruit, sont comme le sang des poèmes de Claude Luezior.

Aucune facilité, aucune dérobade, aucun contournement, le choc du vivant qui ne cesse, de réplique en réplique, de s’étendre. Une dualité corrosive mais aussi créatrice. Art de mort et art de vie. Mais toujours la beauté, parfois ensanglantée.

Sans fin

« interstices
rugueux
des catacombes

ici s’étreignent
les ossuaires
d’atroces attentes

et s’érigent
en monolithes
les prières
de craie

ici-même
le refuge
avant l’arène
finale
avant l’ultime
solution

des couloirs
à perte de vie
et dans les niches
alcôves
et dédales

une danse
pour tibias disloqués
… »

Il y a un ordo ab chaos chez Claude Luezior, sauf que ce n’est pas l’ordre qui émerge, plutôt la liberté, l’amour ou encore une horreur sacrée, qui se nourrissent du chaos pour s’élever vers la lumière, un instant, juste un instant, parfois davantage, à peine.

Chairs vives

« goutte à goutte
leur sang
ne cesse
de ruisseler
jusqu’à nous

encre indélébile
encre
toujours
vive

encre à jamais
rouge
malgré les fours
crématoires

chairs
décharnées
regards

à travers
les pages d’Histoire
ces visages
me dévisagent

concentré
inhumain
tellement humaines
de désespoir »

Dans ce monde en cendre, quelques joyaux scintillent avec élégance pour restaurer l’être, malgré tout.

Intime

« une épaule
peuplée de tendresse
pour trébucher
parfois

une épaule sans limite
estuaire
qui répare
quilles et mâts
à la dérive

une épaule
gestation
quand se recroquevillent
mes angoisses fœtales

une épaule
métamorphose
de mes argiles

une épaule
où frémit
sa pudeur

une épaule qui respire
au gré d’un sein
tout juste issu
du paradis

son épaule
fertile
nourrissant
mes carences »

Jusqu’à la cendre par Claude Luezior. Librairie-Galerie Racine, 23 rue Racine, 75006 Paris.
https://editions-lgr.fr

Site de l’auteur :
https://claudeluezior.weebly.com/

Objets de la Demoiselle de Claire Boitel

Claire Boitel interroge notre rapport à la réalité à travers les objets du quotidien, nos activités, ou nos concepts, eux-mêmes objets.
Elle commence par L’éponge :
« Si on arrive en force, on rebondit dessous. Pour être en relation avec l’éponge, il faut l’imbiber. Elle absorbe tout, elle filtre, alambic marin. »

Le parapluie :
« Incarnation du risque : autant que les mitaines, il relève de la maîtrise de la sensualité. »

La glace :
« Translucide comme la prunelle d’une fée, opaque comme le désir de la sorcière, elle dresse des monolithes d’exaltation solitaire, elle incite à un spectacle masturbé. Elle empêche la communion sauf dans la mort. »
Ce ne sont pas que jeux de mots plaisants, il s’agit d’une observation forte qui propose une véritable philosophie et un art de vivre.

Sexe :
« De l’intérieur, les os habillent la chair. Le sexe est un secret, au même titre qu’une étoile inconnue. »

Elle consacre d’ailleurs un chapitre à L’œuf dont elle nous dit, très justement, qu’il « peut être considéré comme une matière céleste. ».

Après les objets de la Demoiselle, nous avons accès aux « Techniques de la Demoiselle », aux « lieux sacrés de la Demoiselle », au « Style de la Demoiselle », au « miroir (magique) de la Demoiselle » et à quelques autres cadeaux intimes, jusqu’à la mort et l’éternité.

La Demoiselle « fouille la lumière » et met au jour des secrets, des réalités, des enseignements, aussi brefs que salutaires :
« L’absence, la perte : même principe, faire sentir puissamment l’être ou la chose pas ou plus là. Avec un surcroît de romantisme pour le « plus jamais ». Le définitif, l’irrémédiable qu’on sacre.  »

La Demoiselle nous fascine, il ne faut pas se laisser prendre. Elle a plus à donner que de l’apparence séduisante, il s’agit d’une quête intransigeante même si elle n’est pas sans plaisir.
D’ailleurs, elle avertit le lecteur :
« Ces finesses qu’on découvre à la troisième lecture sont d’invisibles caresses. »

Objets de la Demoiselle de Claire Boitel. Librairie-Galerie Racine, 23 rue Racine, 75006 Paris.
https://editions-lgr.fr


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