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Il est temps d’écouter...
"L’étreinte du monde" : Bernard Ascal chante Abdellatif Laâbi. Par Lucien Wasselin

C’est un disque précieux que proposent Bernard Ascal et Abdellatif Laâbi, L’étreinte du monde. Un disque précieux car jamais le temps tragique que nous vivons n’a été aussi propice à son écoute attentive. Je me souviens de ce qu’Aragon écrivait après la mise en chanson de certains de ses poèmes par Léo Ferré : « J’ai l’habitude de dire que la mise en chanson d’un poème est à mes yeux une forme supérieure de la critique poétique ». Bernard Ascal a choisi 18 poèmes d’Abdellatif Laâbi et les chante ; mais il a retenu la leçon d’Aragon : « C’est ici une critique créatrice, elle recrée le poème, elle y choisit, elle donne à un vers une importance, une valeur qu’il n’avait pas, le répète, en fait un refrain ». Je n’ai pas lu en recueil les poèmes de Laâbi et je ne sais donc pas jusqu’à quel point Bernard Ascal les a transformés. Mais je suis sensible aux répétitions de vers (souvent le premier ou le dernier de la chanson) ; c’est une forme d’insistance très douce que j’accepte facilement car, par ailleurs, l’interprétation de Bernard Ascal est d’une grande sobriété : pas d’effets inutiles, pas de grandiloquence, la voix est au service d’un texte, Ascal s’efface devant le poète. D’ailleurs l’intelligence de Bernard Ascal (une véritable intelligence du poème), c’est d’avoir interprété ces textes avec une formation limitée : un piano, une guitare, une contrebasse, une clarinette et le saxophone qui se décline en quatre tonalités selon les poèmes. Pas d’excès de décibels : les paroles de Laâbi restent audibles, elles sont parfaitement entendues (aux deux sens du terme) par l’auditeur. Contrairement à certains chanteurs à la mode (mal conseillés par leur ingénieur du son ?), Bernard Ascal sait terminer une chanson : ici, pas decrescendo qui meurt honteusement dans le silence, mais une dernière note qui claque comme un point final ! Je ne parlerai pas de chacune des chansons mais je salue ici Bernard Ascal pour sa mise en musique et pour son interprétation…

La seconde partie du disque est consacrée à Abdellatif Laâbi qui dit 8 fragments d’Une genèse oubliée. Là aussi, la voix est sobre ; seule concession à la musique : les 5 plages instrumentales séparant les plages dans lesquelles Abdellatif Laâbi (un poète profondément humaniste) dit ses poèmes qu’il faut écouter avec attention car ils sont l’antidote au poison qu’instillent patiemment dans nos esprits tous ceux qui veulent réduire la liberté, réduire la vie. Ce disque est une bonne façon de porter la poésie jusqu’au public, une façon différente de la publication sur papier ou en ligne… Si l’enregistrement de poèmes dits par l’auteur ou par des comédiens n’est pas une nouveauté, si la mise en chanson de poèmes date elle aussi de quelques dizaines d’années, ce disque est exemplaire par sa réalisation. D’où mon pastiche du titre donné à un fragment d’Une genèse oubliée, « Il est temps de se taire ». Ce disque (qui est la réédition d’un CD publié primitivement chez EPM en 2001), il est temps de l’écouter…

« L’Étreinte du monde », Éditions Eponyme, CD EPO 61220. L’Étreinte du monde, chanté par Bernard Ascal (39’59’’) et Fragments d’Une genèse oubliée dits par Abdellatif Laâbi (30’32’’).


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