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"Du rouge à peine aux âmes. La poésie de Marie-Christine Brière par Françoise Armengaud"
La critique de Rémi Boyer

Françoise Armengaud nous propose un très beau livre, hommage à une personnalité exceptionnelle, Marie-Christine Brière, poète et professeure de Lettres. La rencontre entre ces deux femmes de lettres, et de l’être, a permis ce livre profond, original et heureusement décalé.

Marie-Christine Brière est née en 1941, à Albi. Elle est décédée en 2017. Elle se dit « Albigeoise venue à Paris par force ». Tout au long de sa vie, elle s’est beaucoup investie dans la littérature, son enseignement, le théâtre, le chant, la peinture, les luttes féministes et dit avoir vécu une « Seconde naissance en Mai 68 ».
La revue Les Hommes sans Epaules retrace son parcours ici :
http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Marie_Christine_BRIERE-214-1-1-0-1.html
 
C’est sous la forme d’un abécédaire, né du dialogue entre Marie-Christine Brière et Françoise Armengaud, que la pensée de cette femme qui aime explorer les marges comme chemins vers soi-même se dévoile touche par touche comme une peinture d’abord incertaine puis qui s’affirme avec sérénité. Des combats engagés jusqu’aux expériences de l’esprit (Joi d’amor, kabbale, zen…) c’est toute la palette de l’expérience humaine qui est approchée sans quitter le vaisseau de la liberté. Marie-Christine Breyer part souvent de sa propre expérience qui se fait matière première d’une œuvre qui émerge par validation de ce qu’offre la matière, brute ou transformée par divers processus qui relèvent parfois d’une alchimie subtile. C’est la poésie en soi. Son rapport à la langue, dont elle connait les limites, lui permet d’exiger davantage des mots que ce qu’ils sont prêts à donner.

Après deux entretiens à propos de Jerzy Grotowski et Giovanna Marini, deux artistes (théâtre et chant) qui ont profondément marqué Marie-Christine Brière, suivent une belle sélection de poèmes choisis dans ses principaux recueils, qui démontrent une œuvre puissante.
 

Ximeroni

 
C’est une heure où peu
de gens sont levés, le moment
de la brume entre les mâts.
Derrière eux la montagne
s’ennuage et sur les quais
l’heure blême d’une arrivée
et d’un départ.

 
Des morts et des vivants
soufflent encore ici,
des morts que l’on transporte
des vivants dont on rêve.
Ils soufflent de fatigue
de colère peut-être
et là, on regarde de tout son être.

 
Le figuier déplie des mains
au soleil rose sur fonds gris,
les pas de la nuit retirée
donnent des frissons joyeux.

 
Sans parler cette langue
on la chantait :
ça parlait du marin, du passage
aube-aurore, de jubilations
entre la nuit partie
et le jour tout premier.

 
Françoise Armengaud propose aussi de longs poèmes inédits qui semblent écrits entre terre et ciel, entre chair et esprit, sans jamais choisir, créant un chant fascinant à la fois très intériorisé et exultant. Extrait de Romancero contraire :
 
L’aimée échange un livre de désir
celle qui reçoit fluidifie de haut en bas
le frisson est provoqué d’autres objets
sont rentables lancer un briquet
à l’unisson d’un curieux plaisir
qui tourne en rond comme les pluriels
la reprise du souffle

 
De nombreux extraits de lettres, documents, photographies, illustrent ou complètent l’ouvrage très élaboré qui témoigne de manière très nuancée et avec une délicatesse bienvenue des créativités multiples de Marie-Christine Brière.

Du rouge à peine aux âmes. La poésie de Marie-Christine Brière par Françoise Armengaud. Librairie-Galerie Racine, 23 rue Racine, 75006 Paris.
https://editions-lgr.fr/


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