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Critique de la religion. Une imposture intellectuelle, morale et politique
L’avant-propos du dernier livre d’Yvon Quiniou

L’avant-propos du nouveau livre d’Yvon Quiniou, Critique de la religion. Une imposture intellectuelle, morale et politique. En librairie le 18 septembre.

Ceci n’est pas un ouvrage sur l’athéisme, comme on a pu en trouver au siècle dernier, tel Les marxistes et la religion de Michel Verret, sous-titré : Essai sur l’athéisme moderne [1] ou, dans une tout autre optique, l’ouvrage partisan de Claude Tresmontant, Les problèmes de l’athéisme [2]. C’est essentiellement un ouvrage sur la religion en général – qui recouvre les diverses religions mais n’entend pas en fournir une critique successive et comparative –, donc sur le phénomène religieux dans toute sa positivité, dont je donnerai une définition précise dans l’introduction. Et s’il se réfère cependant à l’athéisme, inévitablement, c’est dans la mesure où une critique intransigeante de la religion, rigoureuse et vigoureuse comme on le verra, ne peut se faire qu’à partir du point de vue méthodologique de l’athéisme, même si les philosophes des Lumières on parfois prétendu la développer d’une manière interne, sur la base d’une religion idéale ou rationnelle réduite à la morale. A condition de préciser tout de suite un point auquel je tiens, et qu’on trouvera exposé à la fin du livre : l’athéisme engagé par cette critique s’il peut parfaitement être un athéisme dogmatique qui nie Dieu (il l’a été souvent au 19ème siècle), n’a besoin que d’être un athéisme privatif, qui se passe de Dieu – c’est mon cas. Par contre, il constitue bien le présupposé nécessaire de toute explication à ambition scientifique de la religion comme de toute critique profonde de celle-ci, dont je montrerai préalablement la nécessité renouvelée, donc l’actualité.

C’est dire aussi que la question, à la fois personnelle et métaphysique, de la foi n’est pas en jeu ici, pour une raison que je développerai à l’issue de mon analyse d’ensemble : non par opportunisme, éclectisme ou complaisance à l’égard des croyants – comme ce fut le cas, il faut le dire, à la fin du 20ème siècle, à l’époque du système soviétique encore présent, quand les marxistes et les chrétiens tentaient en Occident de dialoguer d’institution à institution, quitte à ce que les premiers pratiquent un œcuménisme un peu facile, motivé largement par le souci politique de ne pas se couper de l’électorat religieux, mais aussi par celui, légitime, d’éviter toute attitude inutile et injustifiable d’intolérance anti-religieuse [3]. Non : ce respect (je ne parle pas de tolérance, on verra pourquoi) de la foi s’inscrit simplement dans la conviction philosophique forte que la métaphysique, dont la foi est une expression particulière, même lorsqu’elle n’est guère élaborée intellectuellement comme chez le croyant ordinaire, est un domaine qui échappe à la connaissance, donc à la réfutation comme à la preuve – y compris d’ailleurs l’option métaphysique athée (à distinguer du matérialisme [4]) qui affirme l’éternité du monde et son caractère incréé. Or, ce qui ne peut être réfuté et implique seulement un engagement sur le sens du monde et sur des valeurs d’existence, doit être fondamentalement respecté dès lors qu’il n’empiète pas sur la vie collective, avec ses valeurs démocratiques désormais acquises, pour y créer des dissensions sans fondement ou y produire des atteintes à la personne humaine comme la religion en a suscitées tout au long de son histoire. Car celle-ci, il faut malheureusement le rappeler, a rarement eu cette attitude de respect à l’égard de l’incroyance et de l’incroyant qu’elle exige à l’égard d’elle-même, au point d’apparaître rétrospectivement comme la première forme historique de totalitarisme réussi.

Que celui qui, au regard du sous-titre de ce livre, se sentirait menacé dans sa foi avec les valeurs dont elle est porteuse, c’est-à-dire menacé dans ce qui lui importe au plus haut point existentiellement, se rassure donc tout de suite. Je n’entends point en faire un athée – de quel droit intellectuel et moral pourrais-je m’autoriser à vouloir le faire ? Autant interdire à l’homme de réfléchir non sur ce qu’il est empiriquement, sa nature si l’on veut, mais sur sa condition, la condition humaine, dont personne ne peut prétendre détenir le secret sur le plan du savoir. J’entends donc seulement lui faire prendre conscience de la chape de plomb que les religions ont fait peser et continuent de faire peser sur l’homme depuis des siècles (même si cela ne résume pas ce qu’elles ont été) sur le triple plan intellectuel, moral et politique, et donc lui révéler l’imposture qu’elles constituent et que peu, aujourd’hui, osent dénoncer publiquement. Mais cela implique qu’on y voit un phénomène strictement humain dont la source est sur terre et non dans le ciel, dont les effets sont incontestablement aliénants et dont l’homme peut, puisqu’il en est la cause, s’émanciper. C’est cette seule émancipation que je vise, mais avec force, celle d’un homme devenu irréligieux, quitte à ce que l’homme de foi qui m’aura lu et continue à pratiquer sa religion, le fasse désormais avec la distance critique que ma réflexion lui aura permis, je l’espère, d’exercer.

Paru aux Editions La ville brûle

A lire sur le site sur ce sujet :
-  La laïcité porte une charge révolutionnaire, un entretien avec Pierre Darrhéville.
-  La question religieuse aujourd’hui, par Yvon Quiniou
-  Assistons-nous à un retour du religieux ?, entretiens avec Abdennour Bidar, Henri Pena-Ruiz, Jean-Louis Schlegel réalisés par Laurent Etre.
-  Quel islam ? , texte de Jacques Berque.
-  La foi et la raison et L’interprétation du Coran, entretiens avec Galeb Bencheikh
-  Saint Paul, le génie du christianisme, critique d’un livre de Patrick Kechichian par Valère Staraselski.
-  Un athé de choc, le curé Meslier, Les religions du livre contre la femme, textes de Paul Desalmand
-  Discours de Joseph Ratzinger à Caen pour la commémoration du débarquement
-  Un pape pas très catholique : à propos des déclarations de Benoît XVI à Ratisbonne. Par Eric Le Lann
-  La note aux évêques à propos du spectacle de Roméo Castellucci "sur le concept du visage du fils de Dieu

Notes :

[1Editions sociales, 1965, réédité chez L’Harmattan en 2012. Ce livre est brillamment écrit, mais porte la marque de son époque politique.

[2Seuil, 1972.

[3Roger Garaudy a été le maître d’œuvre de cette politique au PCF de l’époque.

[4Voir ma petite plaquette, issue d’une conférence faite à la Société nantaise de philosophie, Athéisme et matérialisme aujourd’hui (Peins Feux, 2004), dans laquelle j’aborde spécifiquement cette question.


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