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Woodrow Wilson et le Ku Klux Klan

L’université de Princeton, aux Etats-Unis a décidé le 27 juin 2020 de retirer le nom de Woodrow Wilson, qui fut président des Etats-Unis, de l’une de ses écoles. « Ses politiques et opinions racistes font de son nom quelque chose d’inapproprié pour une école où les étudiants, le personnel et les anciens élèves doivent être pleinement investis dans la lutte contre le fléau du racisme », a déclaré le président de l’université.

Voici quelques passages de son livre Histoire du peuple américain [1]où Wilson aborde la période qui suit la Guerre de sécession qui permettront à chacun d’en juger.

Wilson caractérise la situation après la décision de donner aux esclaves les droits de citoyens comme « la destruction de toute civilisation dans le Sud ».

« Donner le suffrage aux Nègres et le retirer aux Blancs les plus capables, c’était conférer le pouvoir politique non aux Nègres, mais à des aventuriers blancs, ennemis d’une race comme de l’autre »

« Les Blancs du Sud furent poussés par le simple instinct de conservation à se débarrasser par tous les moyens, justes ou injustes, du fardeau intolérable de ces gouvernements, élus par des Noirs ignorants »

« Si bien qu’à la fin un grand Ku Klux Klan, un Invisible Empire du Sud se trouva exister, organisation assez lâche qui réunissait les volontés afin de préserver les pays du Sud contre quelques-uns des plus redoutables hasards d’une époque révolutionnaire »

« Il était d’ordinaire assez facile de venir à bout des Nègres : une terreur intense les disposait le plus souvent à faire entière soumission, à abandonner leur rôle politique et à quitter le pays, à faire tout ce qu’exigeaient les visiteurs fantômes… »

« Beaucoup d’instituteurs qui vivaient au milieu des Nègres accomplissaient une œuvre aussi néfaste que celle de n’importe quel aventurier politique. Ils enseignaient aux Noirs dans leurs écoles à résister aux Blancs avec plus d’assurance »

Dans le même ouvrage, quelques page plus loin, Wilson évoque l’arrivée d’immigrés chinois dans les années 1880 aux Etats-Unis en ces termes : « Les travailleurs de race blanche se voyaient exclus de toutes les occupations l’une après l’autre par ces Orientaux économes et habiles, qui avec leur peau jaune et leurs habitudes de vie étranges et viles ressemblaient moins à des hommes qu’à des êtres infernaux »

D’ « Histoire du peuple américain » à « Naissance d’une nation »…

Griffith évoque ainsi son envie de faire le film Naissance d’une nation : « L’un des premiers critiques de cinéma, Frank E. Woods, se joignit à nous. Par un jour faste, celui-ci m’apporta un livre intitulé The Clansman (en) (L’Homme du Klan), de Thomas Dixon [2], que je parcourus rapidement, jusqu’à un certain passage qui décrivait comment, selon Woodrow Wilson en personne, le Ku Klux Klan aurait volé au secours du Sud opprimé après la Guerre de Sécession. Je voyais déjà les robes blanches des membres du Klan traverser l’écran. » [3]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Naissance_d%27une_nation#cite_note-31

Toujours à propos de « Naissance d’une nation », voici des extraits d’un article en ligne sur le site DVDClassik…


« Selon Lillian Gish (1), au printemps 1914, D.W. Griffith réunit ses fidèles collaborateurs et leur dit, en substance, ceci : « J’ai acheté un livre de Thomas Dixon intitulé The Clansman, dont j’ai l’intention de m’inspirer pour dire la vérité sur la Guerre de Sécession. Les livres d’Histoire n’ont nullement révélé les faits tels qu’ils se sont déroulés en réalité. L’Histoire n’exprime jamais que le point de vue des vainqueurs. » Griffith choisit l’adaptation d’un livre uniquement dans le but d’assurer le prestige, et le sérieux, de sa nouvelle production. Il s’inspirera d’une autre œuvre de Dixon, The Leopard’s Spots (Les taches de léopard), et de plusieurs ouvrages historiques. Les thèses de Dixon vont dans le sens du témoignage de son camarade de lycée, le futur président démocrate Woodrow Wilson, auteur de A History of the American People, livre cité dans le film. Selon Dixon, le Ku Klux Klan était - car l’organisation est dissoute au moment du tournage - au service d’une cause juste : combattre l’oppression qu’a subi le Sud après la guerre. Griffith, qui cherchait déjà à égaler l’ambitieuse production italienne, Quo Vadis(1913), avec un premier film de 4 bobines, Judith de Béthulie - son dernier pour la Biograph - cherche à frapper les esprits avec une production grandiose, à l’occasion de l’anniversaire qui marquera les cinquante ans de la fin de la Guerre de Sécession. La sortie de Cabiria de Giovanni Pastrone, en juin 1914, un péplum italien de plus de trois heures, impose de rivaliser au nom du cinéma américain.
(…)
Analysons maintenant le propos pour le moins édifiant et "polémique" du film. Au-delà du scandale que représente aujourd’hui Naissance d’une Nation, constatons froidement que son propos est un peu boiteux, ou paradoxal. Car le film défend, comme son nom l’indique, à la fois l’Union et le point de vue des Confédérés. Lincoln est présenté comme une figure positive. Pour résoudre ce paradoxe, il fallait expliquer que la reconstruction s’était faite de façon inique, accuser l’autre camp de ne pas respecter ses propres principes. Ainsi Lincoln, incarné comme un personnage solitaire, un sage au-dessus de la mêlée - John Ford s’en souviendra - est perçu par les Sudistes, après la défaite, comme un protecteur face aux affairistes d’Austin Stoneman. Griffith accuse le Nord d’avoir écarté les Blancs du suffrage universel, d’avoir menacé les Noirs qui s’opposaient à leur parti. Il accuse les représentants élus, tous noirs, de ne pas respecter les règles de séance dans leur assemblée et de voter des lois iniques. Il accuse, encore, les Noirs, lorsqu’ils ne sont plus sous tutelle, de se laisser aller à l’anarchie et au chaos. Les "mulâtres", avec à leur tête Silas Lynch - qui regarde avec concupiscence Lillian Gish et aspire à l’épouser -, incarnent des êtres impurs, hybrides, manipulant les Noirs fanatisés pour imposer un nouvel empire (rien que ça !). Une scène dérangeante voit des Sudistes s’allier à des vétérans du Nord au nom des « droits naturels des Aryens. » La cabane prise d’assaut, la demeure assiégée des Cameron symbolisent de façon fantasmatique l’intrusion du mal et de l’étranger. Une des sœurs Cameron doit se jeter du haut d’une falaise pour éviter de se faire étreindre par un Noir. Le Noir devient la figure qui après avoir divisé l’Amérique la réunit, par répulsion, dans un final qui voit deux couples formés par un membre des deux familles : Phil Stoneman avec Margaret Cameron et Ben Cameron avec Elsie Stoneman. Et Griffith, qui n’est pas gêné par la contradiction, termine par un discours prophétique, rêvant à l’émergence d’un âge d’or, de paix et d’amour.

Alors que les affairistes du Nord sont accusés de spolier l’état de la Caroline du Sud, un ancien esclave dit : « Si l’affranchissement ne remplit pas mon panier, je n’en veux pas. » Une façon d’opposer les principes à la réalité. Dans une autre scène, une servante noire s’inquiète du comportement des autres affranchis. Rappelons, s’il était nécessaire, que Griffith, n’a jamais souhaité la renaissance du Ku Klux Klan, qu’il ne s’opposait pas aux droits des minorités noires. Faut-il penser, pour tenter (si possible) de modérer son propos, qu’il était partisan d’un courant de pensée qui accuse le Nord industriel d’avoir exploité la question raciale à ses propres fins - un point de vue qui se défend - et d’avoir donné des droits imminents à une partie de la population qui vivait sous tutelle - un point de vue qui peut s’entendre, s’il n’est guère défendable, car comment passer graduellement d’un statut d’esclave à celui d’homme libre ? Ces questions resteront sans réponses. Naissance d’une Nation, au-delà de la polémique, va nourrir tout un pan du cinéma américain qui va s’articuler autour de l’Histoire - on pense, bien sûr, au cinéma de John Ford.

La NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) (2), qui avait déjà tenté de faire interdire les œuvres de Thomas Dixon, mena une campagne contre le film en l’accusant de troubler l’ordre publique, de justifier les lynchages et les violences faites aux Noirs. Des émeutes éclatèrent à travers le pays. Griffith répondit dans un pamphlet, The Rise and Fall of Free Speech in America (Grandeur et décadence de la liberté de parole aux États-Unis), et s’en remit au premier Amendement. La Cour Suprême des États Unis, qui avait déjà eu affaire à des précédents, statue, à la sortie du film, que le cinéma est une industrie et qu’à ce titre il ne peut pas bénéficier des mêmes protections de la liberté d’expression que la presse écrite. Une décision importante qui justifie les moyens de censure au cinéma, et permettra d’appliquer le code Hays. L’Ohio et le Kansas interdirent le film, qui dut subir de nombreuses coupes. L’affaire fit grand bruit, le clivage entre libéraux et conservateurs était quelque peu confus. L’organisation, le Ku Klux Klan, renaît la même année et choisit comme symbole le cavalier brandissant une croix en feu... une image du film. Touché par le scandale Griffith veut produire une réponse cinématographique, son nom sera Intolérance... A suivre. »
(1) In Lillian Gish : The Movies, Mr Giffith and Me (1969), extrait publié dans D.W. Griffith sous la direction de Patrick Brion - cinéma/pluriel, l’Équerre et le Centre Georges Pompidou (1982).
(2) L’Association Nationale pour la Promotion des Gens de Couleur.

http://www.dvdclassik.com/critique/naissance-d-une-nation-griffith

Notes :

[1Histoire du peuple américain, Woodrow Wilson. Traduction française de Désiré Roustan, éditions Bossard, 1918-1920. Les extraits sont issus de la 5ème partie du livre

[2Thomas Dixon était un ami de jeunesse de Wilson

[3James Hart, The Man who invented Hollywood : The Autobiography of D. W. Griffith, Touchstone Publishing Company, Louisville, 1972


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