L’union européenne est fondée sur deux traités, le traité de l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Sortir de ces traités est parfaitement prévu. C’est l’article 50, celui qu’utilise le Royaume-Uni aujourd’hui. Il n’existe pas d’autres voies qui permettraient de sortir des traités sans sortir de l’Union. Ni juridiques ni politiques.
Sortir des traités c’est donc sortir de l’Europe. C’est ensuite sortir de l’euro. Il est parfaitement légitime d’avoir cette opinion tranchée. Par contre c’est ignorer les réalités – par ignorance ou par calcul politicien – que de faire croire aux électeurs qu’il est possible pour la France de sortir des traités sans sortir de l’Union européenne.
Ce raisonnement juridique s’applique aussi au troisième traité adopté en 2012 et actuellement en vigueur (le TSCG). Ce traité sera probablement intégré sous une forme ou une autre au traité de l’Union. Il ne prévoit aucun autre moyen juridique particulier d’en sortir.
Si sortir des traités c’est sortir de l’Union il ne faut pas tourner autour du pot. Il faut dire ce que cela signifie dans les faits. C’est ce que fait en ce moment la Grande-Bretagne. Dans quel but ? Une libéralisation totale de l’économie et des échanges comme le souhaitent les Anglais ? Sinon quelle autre politique serait possible à l’intérieur de frontières nationales fermées ? Poser cette question c’est mettre en évidence les difficultés considérables auxquelles serait confrontée la France dans une telle situation.
Soyons clair. Sortir des traités cela signifie sortir de l’euro. Sortir de l’euro signifierait que nous devrions rembourser la dette en euros, sur la base d’un taux probablement très faible d’un franc nouveau.
Il y a donc impossibilité juridique de “sortir des traités” si ce n’est « sortir de l’UE et de la zone euro ». Au prix de difficultés et de conséquences politiques et un coût économique et budgétaire qu’on ne peut ignorer. On a parfaitement le droit de le revendiquer. Encore faut-il en assumer clairement les conséquences. Surtout quand on revendique le statut de porte-parole du peuple.
Sur un plan purement politique mettre en avant ce slogan trompeur c’est encourager la résignation et le non combat pour une autre Europe. Puisqu’on considère qu’on ne peut espérer changer l’Europe on la quitte ! C’est s’avouer vaincu à l’avance avant même d’avoir mené la bataille.
Ce renoncement est d’autant plus incompréhensible aujourd’hui que de nombreuses et nouvelles possibilités s’ouvrent pour contester cette Europe néolibérale et impulser des politiques nouvelles grâce a des alliances possibles dans de nombreux pays. La réalité c’est que les arguments pour légitimer l’austérité reculent dans l’opinion publique, dans tous les pays, y compris en France. Le fatalisme est battu en brèche face aux réalités et grâce aux luttes politiques et sociales. Les mobilisations s’organisent. L’idée d’une nouvelle croissance fait son chemin. Elle appelle des mécanismes européens communs. Les traités actuels ne sont plus appliqués avec la rigueur des années précédentes. Un exemple. Pour que le plan Juncker d’investissements – avec ses limites – soit accepté par les états membres il a fallu que la contribution des états membres à ce fond ne soit pas prise en compte dans la dette publique. Les pénalités prévues pour non-respect des critères économiques de Maastricht et du traité TSCG ne sont plus appliquées aussi strictement que prévu par les traités. La Commission – et le ministre allemand de l’économie – est bien obligée d’entériner une flexibilité face aux critères des 3 % d’endettement.
Par contre si les parlements nationaux avaient leur mot à dire sur la politique économique impulsée et soutenue au niveau européen, une grande majorité d’entre eux défendrait une politique favorable à la la croissance et indépendamment des majorités gouvernementales au pouvoir. On a pu le constater lors d’une réunion des parlements à Rome il y a quelques mois, C’est pourquoi pour une politique économique nouvelle en Europe la bataille pour la démocratisation de la zone euro est décisive, sur le principe comme sur le contenu.
On a le droit de penser que ce n’est pas possible. On a aussi le droit et le devoir de d’expliquer que ce n’est pas au moment où les politiques d’austérité fragilisées face aux réalités économiques et aux pressions politiques et sociales qu’il faudrait abandonner le terrain de la bataille. Ce serait juste le moment de laisser le champ libre à ceux qui veulent pousser les feux de l’austérité et des politiques néolibérales. Ce serait pousser au repli avec toutes ses dérives. Ce serait renoncer aux alliances pour une autre politique, en convergence avec les efforts des portugais, des grecs, des syndicats et toutes les forces de progrès dans toute l’UE. Ce serait s’isoler et échouer. On sait qui se frotterait les mains et qui paierait la facture. On comprend comment la droite et son extrême pensent tirer profit du rejet de l’Europe actuelle et du sentiment d’impuissance. On comprend aussi l’enjeu que cela représente pour les femmes et les hommes qui ne se résignent pas et refusent la soumission aux sirènes du repli et de la résignation.
Article paru sur le site pudding-info