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Parutions sur Céline
Les critiques de Valère Staraselski

Une biographie de référence

Condamné à son retour en France en 1951, après quatorze mois de détention au Danemark, à l’indignité nationale et à un an de prison, puis amnistié l’année suivante, Louis Ferdinand Céline qui a écrit en 39 : « Je suis raciste et hitlérien », n’en demeure pas moins un des écrivains majeurs du XXème siècle français. Mais l’engouement d’aujourd’hui n’est-il que littéraire ?

La confrontation à l’histoire s’effectuera pour Céline avec un style à nul autre pareil, poétique en diable, composé du passage (très travaillé, très agencé) du parler populaire en langage écrit, d’un texte mis en dentelles par des points de suspension afin de mieux rendre palpables les blancs présents dans tout langage auquel le réel résiste, une écriture extraordinairement dynamique, « dansée », rythmée par une succession de métaphores et autres comparaisons.

La biographie de Godard le montre excellemment. Enfant protégé, conditionné par les conventions et la manière petite bourgeoise déclassée et âpre au gain de ses parents, le jeune Céline n’aura, par la suite, pas le loisir de laisser sa chrysalide se défaire. Elle craquera lorsqu’il devra quitter l’école pour l’apprentissage, à treize ans, puis volera en éclats lors des trois mois de guerre qu’il accomplira avec courage, le laissant blessé, marqué à vie par des séquelles. Les voyages, les études de médecine, les emplois dans des postes confortables révèleront une adaptabilité au système et une énergie hors du commun. Viendront ensuite son entrée en écriture, l’exercice de la médecine en banlieue ouvrière et la parution en 32 « d’une bombe littéraire » : Voyage au bout de la nuit. Le succès foudroyant toucha un public ayant connu la boucherie de 14-18 et la crise de 29. En 36, Mort à crédit n’eut pas le succès du premier : ce qui blessa l’amour-propre de l’auteur.

Aussi, il reprendra la doxa antisémite de l’époque, la portant à son paroxysme dans des pamphlets dont il dira : « On ne lit pas les autres livres antisémites. Je suis le seul qui tire ». Succès immédiat net et sans bavures. Godard rappelle Aragon qui, en 33, lui lance « vous filez un mauvais coton ». Il aurait pu ajouter du même auteur du même article : « malgré vos petites idées sur Israël. Vous qui vous refusez à choisir vous choisirez. Nous nous verrons un jour dans la bataille, permettez moi de souhaiter vous voir du côté des exploités, et non pas des exploiteurs. »

La fuite en Allemagne, l’exil au Danemark, la détention le laisseront cassé comme égaré. Il endossera une fois pour toutes le rôle de victime, se composant un personnage de semi-clochard. Il écrira et bataillera jusqu’à l’épuisement final en juillet 1961. L’œuvre de Céline, parée de cette « croyance fondamentale en une guerre des races vue comme le moteur de l’histoire », n’est pas aujourd’hui, précisément, reconnue que pour ses qualités littéraires. Et c’est, par ailleurs, parce qu’il était « incapable de sortir de lui-même » comme le souligne Godard, que Céline est certainement le plus grand écrivain français…du désespoir.

Céline. Henri Godard. Gallimard. 593 p. 25.50 €.

Voyage au bout de la haine

Céline, un antisémite exceptionnel

Non, Céline ne fut pas qu’un antisémite théorique. Il mit la main à la pâte. Et copieusement ! « Bouffer du juif, ça suffit pas, je le dis bien, ça tourne en rond, en rigolade, une façon de battre du tambour si on saisit pas leurs ficelles, qu’on les étrangle pas avec. Voilà le travail, voilà l’homme. Tout le reste c’est du rabâchis » (Les Beaux draps). Ce raciste biologique obsessionnel applaudit à la chasse aux juifs (insuffisante selon lui) des autorités d’occupation avec lesquelles il a des liens étroits. Des remords ? Point. Au contraire, il salue en 1950 Le mensonge d’Ulysse de Rassinier qui lance le négationnisme en France. « Son livre, admirable, va faire grand bruit. Quand même. Il tend à faire douter de la magique chambre à gaz. C’était tout la chambre à gaz. Ça permettait TOUT ! »

L’ouvrage d’Antoine Peillon prouve qu’il fut antisémite actif avant, pendant et après Auschwitz.

Céline, un antisémite exceptionnel, Antoine Peillon. Le bord de l’eau
70 p, 6 euros

Plaidoyer pro domo

Deux cents lettres de 1931 à 1961

Virulent constat d’un auteur sûr de soi et de la postérité de son œuvre que ces 200 lettres de Céline envoyées à la NRF, "cette foutue baraque qui n’est jamais au combat ! Toujours je ne sais où en train de se les rouler". "Je suis MOI l’inventeur le défonceur de la porte de cette chambre où stagnait le roman jusqu’au VOYAGE", écrit-il furieux car appartenant au camp des "total vaincu", qui éructe, vouant tout ce qui n’est pas lui aux gémonies, sa carrière n’étant pas ce qu’il escomptait. Il réclame son dû avec rage. Et gagne ! Les réponses de Paulhan qui, las de se faire insulter, jette l’éponge, puis celles de Gaston et Claude Gallimard, de Nimier, montrent son inlassable fureur à faire vivre son œuvre. "Vous n’êtes qu’un satané parasite", lance à Gallimard, "le galérien qui se casse le cul autrement que vous".

Lettres à la NRF, choix 1931-1965 Louis-Ferdinand Céline. Folio, 249 pages.

Textes publiés dans Témoignage Chrétien du 20 juillet 2011


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