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Les réflexions de Fidel Castro sur le sommet de Copenhague

"Ne nous abusons pas. Ce que les États-Unis ont prétendu faire par leurs manœuvres à Copenhague, c’est diviser le Tiers-monde, séparer les plus
de cent cinquante pays sous-développés de la Chine, de l’Inde, du
Brésil, de l’Afrique du Sud......"
Fidel Castro

Notre pays fait aujourd’hui partie des plus de cent cinquante qui constituent le Tiers-monde et qui seront les premiers, mais non les
seuls, à souffrir d’incroyables dommages si l’humanité ne prend pas conscience d’une manière claire, sûre et plus rapide que jusqu’à
présent de ce que seront la réalité et les conséquences des changements climatiques provoqués par l’homme, si l’on ne parvient à l’empêcher à temps.

Nos médias ont décrit les effets des changements climatiques. Les cyclones toujours plus violents, les sécheresses et d’autres calamités
naturelles ont aussi contribué à l’éducation de notre peuple en la
matière. Un fait singulier – la bataille autour du climat qui s’est
déroulée au Sommet de Copenhague – a contribué à faire connaître le
danger imminent. Il s’agit là d’un risque réservé non au lointain
XXIIe siècle, mais au XXIe, non à la seconde moitié de celui-ci, mais
aux prochaines décennies où nous commencerions à en souffrir déjà les
tristes conséquences.

Il ne s’agit pas non plus d’une simple action contre l’Empire et ses
acolytes qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, tentent de
faire primer leurs intérêts stupides et égoïstes, mais d’une bataille d’opinion mondiale qu’on ne saurait laisser à la spontanéité ni aux
caprices de la plupart de leurs médias. C’est une situation que
connaissent heureusement des millions de personnes honnêtes et
courageuses dans le monde, d’une bataille à livrer avec le concours
des masses et au sein des organisations sociales et des institutions
scientifiques, culturelles, humanitaires et d’autres de caractère
international, tout particulièrement aux Nations Unies où
l’administration étasunienne, ses alliés de l’OTAN et les pays les
plus riches ont tenté d’assener en fraude, au Danemark, un coup
antidémocratique au reste des pays émergents et pauvres du Tiers-monde.

La délégation cubaine, qui a assisté au Sommet de Copenhague aux côtés
des membres de l’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique
(ALBA) et des autres pays du Tiers-monde, a dû y livrer une bataille
frontale après les incroyables événements enclenchés par le discours
du président yankee, Barack Obama, et du groupe des États les plus
riches de la planète, bien décidés à démanteler les engagements contraignants de Kyoto – où ce problème épineux avait été débattu
voilà plus de douze ans – et à faire retomber le fardeau des
sacrifices sur les pays émergents et sur les pays sous-développés qui
sont, non seulement les plus pauvres, mais aussi les principaux
fournisseurs de matières premières et de ressources non renouvelables
de la planète aux plus développés et aux plus opulents.

Obama s’est pointé à Copenhague le dernier jour de la Conférence, qui
avait démarré le 7 décembre. Le pire, c’est – alors qu’il avait déjà
décidé d’expédier trente mille soldats de plus à la boucherie en
Afghanistan, un pays aux fortes traditions d’indépendance que même les
Anglais, à leur meilleure et plus cruelle époque, ne purent soumettre
– d’avoir accepté le Prix Nobel de la paix et de s’être rendu à Oslo
pour le recevoir ! Il est donc apparu le 10 décembre dans la capitale
norvégienne où il a prononcé un discours vide, démagogique et
justificateur. Puis le 18, autrement dit le dernier jour du Sommet, à
Copenhague, où il ne pensait rester au départ que huit heures. Sa
secrétaire d’État et un groupe sélect de ses meilleurs stratèges y
avaient débarqué la veille.

Obama commença par choisir un groupe d’invités qui eurent l’honneur de
l’accompagner pour l’entendre prononcer son discours au Sommet. Le
Premier ministre danois, qui présidait la Conférence, complaisant et
flagorneur, céda la parole au groupe qui ne comptait guère plus d’une
quinzaine de personnes. Le chef impérial méritait des égards spéciaux.
Son discours fut un brassage de paroles mielleuses assorties de gestes
théâtraux qui commencent déjà à ennuyer ceux qui, comme moi, se sont
assignés la tâche de l’écouter pour tenter d’apprécier objectivement
ses caractéristiques et ses visées politiques. Obama imposa à son docile hôte danois une condition : seuls ses invités pourraient
prendre la parole, ce qui ne l’empêcha pas, à peine son intervention
conclue, de disparaître en coulisses par une porte dérobée, tel un
acteur fuyant l’auditoire qui lui a pourtant fait l’honneur de
l’écouter avec intérêt.

Une fois terminée la liste des orateurs autorisés, un indigène de pure
souche aymara, Evo Morales, le président bolivien, qui venait d’être
réélu par 65 p. 100 des voix, exigea de pouvoir prendre la parole,
laquelle lui fut cédée sous les applaudissements majoritaires des
personnes présentes dans la salle. En à peine neuf minutes, il exprima
des concepts profonds et dignes qui répondaient à ce qu’avait dit le
président, désormais absent, des États-Unis. Aussitôt, Hugo Chávez se
leva à son tour pour réclamer la parole au nom de la République
bolivarienne du Venezuela, et celui qui présidait la séance n’eut pas
d’autre solution que de la lui céder : Chávez en profita pour
improviser un des plus brillants discours que je lui ai entendu
prononcer. Quand il eut terminé, un coup de maillet mit fin à cette
séance insolite.

Le très affairé Obama et son cortège n’avaient toutefois pas une
minute à perdre ! Son groupe avait mis au point un projet de
déclaration, bourré de choses vagues, qui était le déni même du
Protocole de Kyoto. Après son exit précipité de la salle des séances
plénières, il se réunit avec d’autres invités, qui ne dépassaient pas
la trentaine, négocia en privé et en groupe, insista, parla de
millions de billets verts qui, faute d’aval en or, ne cessent de se
dévaluer, et menaça même d’abandonner la réunion si on n’accédait pas
à ses demandes. Le pire, c’est qu’il s’agissait d’une rencontre de
pays hyper-riches à laquelle il avait invité plusieurs des principales nations émergentes et deux ou trois pays pauvres, et auxquels il
soumit le document sur un ton de : C’est ça ou rien !

Le Premier ministre danois s’évertua à présenter cette déclaration
confuse, ambiguë et contradictoire, à la discussion de laquelle
l’Organisation des Nations Unies n’avait participé en rien, comme un
Accord du Sommet ! La session avait déjà pris fin officiellement,
presque tous les chefs d’État ou de gouvernement et ministres des
Affaires étrangères avaient regagné leurs pays. Et c’est à trois
heures du matin que l’honorable Premier ministre danois soumit, en
séance plénière, le fatidique document à des centaines de malheureux
fonctionnaires, qui avaient à peine fermé l’œil pendant trois jours,
leur offrant juste une heure pour l’analyser et l’adopter.

Et la chaudière explosa ! Les délégués n’avaient même pas eu le temps
de le lire. Plusieurs réclamèrent la parole. Le premier fut celui de
Tuvalu, dont les îles seraient englouties par les eaux si ce qui était
proposé là était adopté ; vinrent ensuite ceux de la Bolivie, du
Venezuela, de Cuba et du Nicaragua. Cet affrontement dialectique du 19
décembre à trois heures du matin est digne de passer à l’Histoire, si
tant est que celle-ci dure très longtemps après les changements
climatiques…

Comme l’on connaît à Cuba une bonne partie des faits, et qu’on les
trouve sur des sites d’Internet, je me bornerai à reproduire des
extraits des deux interventions de notre ministre des Relations
extérieures, Bruno Rodríguez, parce qu’il vaut la peine de connaître
les épisodes finals de la série de Copenhague et les péripéties du
dernier chapitre qui n’ont pas encore été publiées dans notre pays. Il
s’adresse au Premier ministre danois, qui préside la séance :

« Le document dont vous avez nié à plusieurs reprises l’existence,
monsieur le Président, apparaît maintenant. Nous avons tous vu des
versions qui circulent d’une manière subreptice et qui se discutent
en petits conciliabules secrets, hors des salles où la communauté
internationale négocie d’une manière transparente à travers ses
représentants.

« Je me joins aux représentants de Tuvalu, du Venezuela et de la
Bolivie. Cuba juge extrêmement insuffisant et inadmissible le texte
de ce projet apocryphe…

« Le document que vous nous présentez ne contient, hélas, aucun
engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

« Je connais les versions antérieures qui se sont négociées elles
aussi à travers des procédés contestables et clandestins, en
coteries fermées, mais qui mentionnaient du moins une réduction de
50 p. 100 d’ici à l’an 2050.

« Le document que vous nous soumettez maintenant omet justement les
phrases clefs déjà bien maigres et insuffisantes de cette
version-là. Ce document-ci ne garantit absolument pas l’adoption de
mesures minimales qui permettraient d’éviter une très grave
catastrophe à la planète et à l’espèce humaine.

« L’ignoble document que vous nous soumettez est tout aussi muet et
ambigu au sujet de l’engagement concret de réduction des émissions
de la part des pays développés, responsables du réchauffement global
du fait des niveaux historiques et actuels de leurs émissions et
devant donc procéder sans retard à des réductions substantielles.
Votre document ne dit pas un traître mot concernant cet engagement
des pays développés !

« Votre papier, monsieur le Président, est l’acte de décès du
Protocole de Kyoto, et ma délégation s’y refuse.

« La délégation cubaine tient à souligner la primauté du principe
des « responsabilités communes mais différenciées » en tant que
concept clef des futures négociations. Votre papier n’en dit mot.

« La délégation cubaine proteste une fois de plus devant le fait que
cette Conférence a été conduite d’une manière antidémocratique,
soumise à de graves violations de procédure, en particulier à
travers des formes de débats et de négociations arbitraires, non
inclusives et discriminatoires.

« Je vous demande formellement, monsieur le Président, de faire en
sorte que ma déclaration fasse partie du rapport final sur les
travaux de cette lamentable, de cette honteuse Quinzième Conférence
des Parties. »

Ce que personne ne pouvait imaginer, c’est que, au terme d’une autre
longue pause et alors que tout le monde pensait que le Sommet
conclurait sur les formalités habituelles, le Premier ministre du pays
siège allait, à l’instigation des Yankees, faire une nouvelle
tentative pour que ce document soit adopté comme consensus du Sommet,
alors qu’il ne restait même plus aucun ministre des affaires
étrangères dans la salle ! Des délégués du Venezuela, de la Bolivie,
du Nicaragua et de Cuba, restés vigilants et l’œil ouvert jusqu’à la
dernière minute, frustrèrent à nouveau cette ultime manœuvre de
Copenhague.

Mais l’affaire n’était pas conclue pour autant. Les puissants ne sont
pas habitués à ce qu’on leur résiste, et ils ne l’admettent d’ailleurs
pas. Le 30 décembre, la mission permanente du Danemark auprès des
Nations Unies à New York informait aimablement la nôtre avoir pris
note de l’ « accord » de Copenhague du 18 décembre 2009 et joignait
une copie préalable de cette décision. Elle écrivait textuellement : « 
le Gouvernement danois, en sa qualité de président de la Quinzième
Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, invite les Parties à informer par écrit le
secrétariat de ladite Convention, dans les meilleurs délais, de leur
volonté de s’associer à l’Accord de Copenhague. »

Cette communication surprenante a entraîné une réponse de notre
Mission permanente, qui affirme, entre autres : « Aussi le
Gouvernement de la République de Cuba rejette-t-il catégoriquement la
tentative de faire adopter indirectement un texte qui a été refusé par
plusieurs délégations, non seulement du fait de ses carences face aux
graves effets des changements climatiques, mais aussi parce qu’il
répond exclusivement aux intérêts d’un groupe d’États réduit. »

Elle a aussi provoqué une lettre de Fernando González Bermúdez, notre
vice-premier ministre de la Science, de la Technologie et de
l’Environnement, à M. Yvo de Boer, Secrétaire exécutif de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques,
dont je transcris quelques paragraphes :

« Nous avons reçu avec surpris et inquiétude la note que le
Gouvernement danois a distribué aux Missions permanentes des États
membres des Nations Unies à New York, que vous connaissez sûrement
et qui invite les États Parties à la Convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques à informer par écrit le
Secrétariat exécutif, dans les meilleurs délais possibles, de leur
souhait de s’associer audit Accord de Copenhague.

« Nous avons constaté avec tout autant d’inquiétude que le
Gouvernement danois faisait savoir que le Secrétariat exécutif de la
Convention-cadre inclura dans le rapport de la Conférence des
Parties tenue à Copenhague la liste des États parties qui auraient
manifesté leur volonté de s’associer audit Accord.

« Cette façon d’agir constitue, de l’avis de la République de Cuba,
une violation grossière et condamnable de ce qui a été décidé à
Copenhague où les États parties, devant le manque évident de
consensus, se sont bornés à prendre note de l’existence de ce document.

« Rien de ce qui a été accordé à la Quinzième Conférence des Parties
n’autorise le Gouvernement danois à décider de cette action ni, à
plus forte raison, le Secrétariat exécutif à inclure dans le Rapport
final une liste des États parties, ce pour quoi il n’a pas mandat. […]

« Je tiens à vous faire savoir que le Gouvernement de la République
de Cuba rejette avec la plus grande fermeté cette nouvelle tentative
de légitimer indirectement un document frappé de nullité et à
réitérer que cette façon d’agir compromet le résultat des futures
négociations, pose un précédent dangereux pour les travaux de la
Convention-cadre et heurte en particulier la bonne foi dans laquelle
les délégations devront poursuivre les négociations l’an prochain. »

Beaucoup savent, en particulier les mouvements sociaux et les
personnes les mieux informées des institutions humanitaires,
culturelles et scientifiques, que le document promu par les USA
constitue un recul par rapport aux positions atteintes par ceux qui
s’efforcent d’éviter à notre espèce un désastre colossal. Il serait
oiseux de répéter ici les chiffres et les données qui le prouvent
mathématiquement. Les faits apparaissent sur les pages d’Internet et
sont à la portée d’un nombre croissant de personnes intéressées par
cette question.

La théorie que défendent ceux qui souhaitent la signature du document
est débile et marque un recul. On invoque l’idée trompeuse que les
pays riches fourniront 30 milliards de dollars en trois ans aux pays
pauvres pour leur permettre d’assumer les dépenses qu’implique
l’affrontement aux changements climatiques, cette somme pouvant
s’élever à 100 milliards par an en 2020, ce qui revient à renvoyer les
choses aux calendes grecques, compte tenu de la très grande gravité de
ce problème. Les spécialistes savant que ces sommes sont misérables,
ridicules et inacceptables face aux volumes d’investissements exigés.
D’autant que leur origine est vague et confuse, et n’engage personne à
rien.

Que vaut un dollar ? Que signifient trente milliards ? Nous savons
tous que de Bretton Woods (1944) au décret présidentiel de Nixon
(1971) – promulgué pour faire retomber sur l’économie mondiale les
dépenses de la guerre génocidaire lancée contre le Vietnam – la valeur
du dollar, mesurée en or, n’a cessé de se réduire pour être
aujourd’hui trente-deux fois inférieure : autrement dit, 30 milliards
de dollars signifient moins d’un milliard, et 100 milliards en valent
à peine 3,125, ce qui ne permet même pas de fabriquer aujourd’hui une
raffinerie de pétrole de moyenne capacité !

Si les pays industrialisés tenaient un jour leur promesse d’apporter
aux pays encore à développer 0,7 p. 100 de leur PIB – ce qu’ils n’ont
jamais fait, sauf rares exceptions – cela représenterait plus de 250
milliards de dollars par an.

Pour sauver les banques, l’administration étasunienne a dépensé 800
milliards de dollars. Combien serait-elle disposée à verser pour
sauver les 9 milliards de personnes qui peupleront notre planète en
2050, à supposer que ne se produisent pas avant les grandes
sécheresses et inondations que provoquera la mer à cause de la fonte
des glaciers et des grandes masses d’eau congelées du Groenland et de
l’Antarctique ?

Ne nous abusons pas. Ce que les États-Unis ont prétendu faire par
leurs manœuvres à Copenhague, c’est diviser le Tiers-monde, séparer
les plus de cent cinquante pays sous-développés de la Chine, de
l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud et d’autres avec lesquels nous
devons lutter unis pour défendre, à Bonn, à Mexico et à toute autre
conférence internationale, aux côtés des organisations sociales,
scientifiques et humanitaires, de vrais accords qui soient favorables
à tous les pays et préservent l’humanité d’un désastre qui peut
entraîner l’extinction de notre espèce.

Le monde possède toujours plus d’informations, mais les hommes
politiques ont de moins en moins de temps pour penser.

Les nations riches et leurs dirigeants, le Congrès des Etats-Unis
compris, semblent discuter à qui sera le dernier à disparaître.
Obama s’est proposé de faire vingt-huit fêtes pour célébrer la fin de
l’année et le début de celle-ci. J’espère qu’il aura inclus celle des
Rois mages et que Gaspar, Melchior et Balthazar lui seront de bon
conseil.

Qu’on m’excuse la longueur de ces réflexions que je n’ai pas voulu
diviser en deux. J’en demande pardon à mes patients lecteurs.

Fidel Castro Ruz, le 3 janvier 2010


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