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"Les animaux vont en enfer" par Alain Delaye
La critique de Rémi Boyer

L’essai très pertinent d’Alain Delaye s’intéresse aux rapports entretenus avec les animaux par les religions et les humanismes. Il commence par un terrible constat :
« « Un éternel Treblinka » [1], cette terrible métaphore forgée par un Juif et rendue célèbre par un livre n’est pas aussi métaphorique que ça, car ce qu’elle dénonce – l’univers concentrationnaire dans lequel vivent et meurent chaque année d’innombrables bêtes – est très réel. Les fermes où sont confinées des millions de vaches, de cochons, de poules et de lapins, les abattoirs où ces animaux périssent, gazés, percutés, dépecés, dans des conditions épouvantables, les filets où agonisent des milliards de poissons, victimes de la surpêche, ne sont pas une pâle image des camps de la mort nazis, ils en sont l’exacte reproduction, la haine en moins peut-être mais l’indifférence en plus, car ces animaux sont élevés, abattus et péchés pour le simple plaisir gustatif de consommateurs qui pourraient se nourrir autrement. »

Alain Delaye insiste sur le paradoxe qui est le nôtre quand nous choyons nos animaux de compagnie pour rester indifférents à la maltraitance animale organisée par l’industrie et le commerce. Si chaque époque connait de grands penseurs qui s’indignent de cette maltraitance, ils restent peu ou pas entendus.

Les différentes parties de l’ouvrage traitent des animaux dans les religions grecque et romaine, des animaux dans les monothéismes, des animaux dans les religions orientales, des animaux dans les religions animistes et enfin des animaux dans les humanismes.

Dans les religions grecque et romaine, les sacrifices d’animaux sont courants. Selon le principe de substitution d’une violence à une autre, pour René Girard, la violence ritualisée envers l’animal évite la violence interne à la société.

Le sacrifice animal perdure dans le judaïsme, la pratique est fortement critiquée par certains prophètes et évolue vers les règles d’abattage toujours en vigueur aujourd’hui.

Jésus s’inscrit dans la tradition juive, il n’est pas végétarien mais, par ailleurs, il fait preuve de bienveillance et de compassion pour les animaux. Par son sacrifice, il substitue la communion par le vin et le pain au sacrifice animal, ce qui sera repris par les apôtres. Cependant, Paul n’a aucune compassion pour les animaux. Le message institutionnel chrétien prend rarement en compte la souffrance animale.
Nous retrouvons les mêmes contradictions dans l’Islam avec les sacrifices animaux et certaines communautés mystiques qui s’engagent dans le végétarisme.
Seul parmi les grandes religions monothéistes d’Occident, le bahaïsme invite au végétarisme et au respect du règne animal.

L’Orient présente une situation complexe mais fort différente par sa relation au monde animal. L’hindouisme incite au végétarisme, tout comme le bouddhisme. Il n’y a pas séparation entre l’humain et l’animal, encore moins opposition. C’est sans doute le jaïnisme qui a poussé le plus loin le respect de la vie animale. Dans le taoïsme, la vie est respectée dans sa globalité, on peut apprendre des animaux et le végétarisme fait partie des pratiques d’immortalité.

Dans les religions animistes, la relation avec l’animal est souvent basée sur une égalité, une vie vaut une autre vie, ce qui dans certains cas n’exclut pas le sacrifice animal. L’équilibre de la nature est généralement recherché.

Les humanismes ont écarté les pratiques traditionnelles et religieuses mais souvent conservé leurs valeurs. Que cet humanisme soit libéral, socialiste ou évolutionniste, le rapport à l’animal demeure anthropocentré et hiérarchisé. L’animal n’est qu’un objet dont on dispose et les mouvements pour les droits des animaux, de plus en plus nombreux, pèsent encore bien peu. Nous manquons d’une pensée globale du sujet qui mette en évidence nos contradictions et nos errances et nous conduise vers la lucidité. A l’heure du transhumanisme, les enjeux sont énormes. Pourtant, les outils juridiques internationaux en matière de droits des êtres humains constituent un cadre dans lequel penser le rapport au monde animal, entre droit à l’environnement et droit de l’environnement.

L’auteur propose de renouer avec le meilleur des religions, certes imparfaites, et des humanismes, tout aussi imparfaits, pour donner une fin à « l’éternel Treblinka ». « Le combat pour la libération des animaux humains et non humains est le même » conclut-il.

Les animaux vont en enfer par Alain Delaye. Editions Accarias L’Originel, 3 allée des Œillets, 40230 Saint Geours de Maremne.
http://originel-accarias.com/

Notes :

[1Cette comparaison est le fait de l’écrivain polonais Isaac Bashevis Singer, juif, Prix Nobel de littérature, parti à temps de Pologne à la fin des années 30


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