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Le temps des grâces est à réinventer

J’ai vu le film de Dominique Marchais à Callac-de-Bretagne dans les Côtes d’Armor .Les exploitants d’une salle de cinéma m’avaient invité pour débattre avec le réalisateur et le public à l’issue d’une projection .J’ai aimé ce film. « Le temps des grâces »n’est pas porteur d’un message révolutionnaire explicite mais il interpelle chacun de nous .Il ne donne pas forcément la marche à suivre pour une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Mais il nous montre à travers les témoignages de paysans que le rouleau compresseur de la Politique agricole commune(PAC) elle-même pilotée selon les règles du jeu ultralibérales qui prévalent à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est en train de produire un désastre écologique, lui-même porteur d’un désastre économique et social déjà bien entamé.

Dominique Marchais produit de belles images et fait parler des paysans .Cela peut sembler banal au premier abord. Toutefois ces paysans aux propos et aux objectifs parfois différents sont souvent convergents dans le sens où s’exprime chez eux une insatisfaction, voire une culpabilisation. On a ce céréalier de l’Yonne au langage d’agrimanager qui fait tourner du gros matériel ,qui explique peu ou prou l’inéluctabilité de la courses aux hectares .Mais qui a tout de même choisi de cultiver des variétés de blé rustique pour faire du pain et mieux valoriser ainsi une partie de sa récolte céréalière en mettant sur le marché un produit de qualité.
Il y a cet éleveur de moutons des Causses. Il a finit par clôturer ses parcours herbagers sur le plateau .Mais il aurait préféré ne pas en arriver là s’il avait gardé le contrat territorial d’exploitation(CTE) qu’il avait signé avec l’Etat à la charnière entre les deux siècles ,la droite revenue aux affaires s’étant empressée de supprimer les CTE.

Et puis, il y a tous les autres intervenants, et, parmi eux, ces retraités qui furent jadis des militants de la Jeunesse agricole catholique (JAC) .Ceux qui ont connu toutes les phases de la modernisation agricole avec ses succès et ses excès, ces derniers allant souvent de la destruction massive des haies aux pollutions diverses et variées issues à la fois de la disparition du bocage et de l’utilisation massive des engrais, des lisiers et autres pesticides.

Le jour où je rédigeais cette chronique , un habitant de Clamart ,dans les Hauts de Seine, m’a faire parvenir un texte m’indiquant qu’il voyait de nombreuses similitudes entre le regard que porte « °le temps des grâces° » sur l’agriculture française et l’analyse que j’ai produite en automne 2008 avec la parution de mon livre [1].Je ne suis pas le mieux placé pour en juger .Je peux dire ,en revanche, que les réponses que j’ai pu donner aux questions du public à Callac-de-Bretagne étaient en phase avec celles de Dominique Marchais alors que nous nous rencontrions pour la première fois.

La force de ce film réside dans le fait qu’il nous oblige à réfléchir .Peut-être aussi à modifier nos comportements de consommateurs trop soumis aux promotions comme aux productions exotiques que nous proposent les distributeurs en toute saison comme à contre saison alors que cette concurrence mondialisée ruine les paysans du nord en surexploitant ceux du sud.

Car la situation des paysans s’est encore aggravée depuis le tournage du film de Dominique Marchais .On peut même dire que la fuite en avant dans les monocultures de rente, du soja aux agrocarburants s’accélère au niveau planétaire alors que la raréfaction prévisible et la cherté prochaine des carburants comme des engrais va déboucher à moyen terme sur une perte de rentabilité croissante des agricultures gourmandes en énergie et en engrais.

L’agriculture du XXI ème siècle est à réinventer. Selon l’agronome Michel Griffon, elle devra être « écologiquement intensive » dans la mesure où elle fera travailler la nature de manière intelligente .Ce savoir faire a été délaissé dans les campagnes durant les décennies de pouvoir de l’agrochimie .Le temps des grâces est donc à réinventer dans les campagnes comme dans nos têtes .Sinon nos petits enfants ne mangeront pas à leur faim dans une trentaine d’années.

Gérard le Puill est journaliste. Il a publié notamment Planète alimentaire : l’agriculture française face au chaos mondial, Pascal Galodé éditeurs. 17 euros.

Notes :

[1Planète alimentaire °:l’agriculture française face au chaos mondial ,17€ ,Pascal Galodé éditeurs


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