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Le roman d’espionnage anglo-saxon après le Watergate, de Patrice Allart
La critique de Rémi Boyer

Quand nous parlons espionnage, l’image de James Bond vient spontanément à l’esprit. « A l’Ouest », rares sont ceux qui pensent à Stierlitz, le magnifique et sobre espion soviétique infiltrant le Reich nazi, remarquablement incarné à l’écran par Viatcheslav Tikhonov dans la série Dix-sept moments de printemps, diffusée en 1973 pour la première fois. Bond fait partie de notre imaginaire, largement orchestré par le monde anglo-saxon. C’est aussi dans les années 70, après les échecs et les scandales (guerre du Vietnam, assassinats politiques, écrasement du mouvement pour les droits civiques, Watergate…) que le super-espion Bond, si peu réaliste, va laisser une place à des personnages plus proches de la réalité ou même des anti-héros. Ceci va renouveler le roman d’espionnage et offrir un panel de personnalités complexes, riches, sombres, reflets des incertitudes de notre monde, que nous retrouverons aussi sur nos écrans.

Nous connaissons la plupart des auteurs qui ont donné naissance à ces personnages : Ludlum, Clancy, Follett, Forsyth, Higgins, Cussler, Morrell, Coonts… Ils mettent en avant une histoire secrète et interrogent les évidences, marchant dans les pas de John Le Carré. Le premier chapitre de l’ouvrage de Patrice Allart porte un titre éloquent, véritable programme : Politique, argent, enseignement : infiltrer pour corrompre, manipuler pour révéler (et vice-versa). Le deuxième chapitre s’intéresse aux Leçons de Machiavel. Nous voilà au cœur des enjeux. D’ailleurs les qualificatifs de « ludlumien » ou « ludlumesque » sont devenus de parfaits synonymes, nous dit l’auteur, de « machiavélique ».

L’ouvrage présente les structures et les mécanismes des œuvres de plusieurs auteurs essentiels du genre, en commençant par Robert Ludlum justement, connu même des non-spécialistes pour son personnage, Jason Bourne, porté à l’écran avec succès mais au prix de « simplifications extrêmes » qui ne permettent pas d’approcher l’épaisseur et la complexité du personnage du roman en quête d’identité. L’influence de Robert Ludlum sur le roman d’espionnage est considérable jusque dans la célèbre Bande Dessinée XIII.

Frederick Forsyth s’intéresse plutôt aux relations internationales et aux situations de guerre. Il prend souvent appui sur les faits réels. Ainsi, dans son premier roman Chacal, dans lequel il traite de la guerre d’Algérie, le premier chapitre rend compte des faits historiques et pose le cadre de l’intrigue de manière détaillée et argumentée. Nous retrouverons cette pertinence dans Les chiens de guerre (1974) inspiré de la situation du Biafra après sa sécession avec le Nigéria.

Forsyth glissera aussi vers l’anticipation. Il prophétise, précise l’auteur, l’effondrement de l’URSS douze années avant sa fin officielle en décembre 1991. Plusieurs de ses romans se situeront dans un futur proche.
La plupart des auteurs, quelques-uns prolifiques, d’autres se faisant plus rares, ont des thèmes privilégiés comme les terroristes repentis pour Jack Higgins, l’écologie pour Dirk Pitt ou la technologie avancée pour Tom Clancy et Stephen Coonts. D’autres sortes du genre comme David Morell et Martin Cruz-Smith qui introduisent sociétés secrètes, vampires et loups-garous… ou Dan Brown et le thriller ésotérique.

En 500 pages, Patrice Allart dresse un tableau très exhaustif d’un genre aux multiples facettes qui tient une place importante dans les bibliothèques et les librairies comme dans les salles de cinéma. L’évolution du genre témoigne de l’état de nos sociétés et des peurs grandissantes que suscitent des développements politiques, économiques ou technologiques débridés. Loin d’être une sous-littérature, le roman d’espionnage demeure un témoin fidèle de nos aspirations comme de nos déséquilibres, donnant à voir ce que nous préférons oublier.

Le roman d’espionnage anglo-saxon après le Watergate, de Patrice Allart
Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
www.oeildusphinx.com


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