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Le Parlement des cigognes, de Valère Staraselski
La critique de Lucien Wasselin

C’est un court roman qu’offre au lecteur Valère Staraselski : une bonne centaine de pages ! Un court roman qui commence étrangement avec l’élection de la reine de Cracovie dans un bar à lait par un groupe de jeunes français en stage de perfection à la demande du nouveau PDG du groupe qui porte un nom d’origine polonaise… Le lendemain, un jogging réunit les « touristes ». Le mauvais temps (il neige et le vent souffle fort) met à mal les sportifs amateurs jusqu’à un coup de théâtre symbolisé par un laconique « C’est là » prononcé par David : on est à la page 39 du roman, c’est à dire qu’un bon tiers est déjà passé : on ne peut pas dire que Valère Staraselski soit un romancier pressé ! Qui en profite pour dresser, en passant, un tableau de la société de consommation : McDonald’s avec son enseigne flambant neuve et pavillons récents témoignant d’une certaine prospérité (pp 40-41). Staraselski maîtrise parfaitement l’art du suspens, il ne révèle rien mais peint David « pris dans un labyrinthe de pensées, de réflexions, de sentiments divers » (p 41). David fait demi-tour et alors commence la leçon d’histoire qui mêle des séquences du film de Spielberg, La Liste de Schindler, sur le ton de la conversation… Valère Staraselski fait dire à l’un de ses personnages : « .. cet Amon Göth tirait sur les gens comme on le fait au ball-trap sur des assiettes… » (p 46). Impossible de savoir, de rendre compte des atrocités qui ont été commises. Je ne sais pas si la description du romancier est juste, si le réel est bien présent. Je ne suis jamais allé à Cracovie. Mais ces pages ont une telle allure de réalisme que le lecteur s’écrie « C’est ça, le réalisme ! ». À l’heure où le Front National dans ce pays, la France, obtient d’être présent au second tour de l’élection présidentielle, à l’heure où Israël (qui décerne à juste titre la distinction honorifique de juste parmi les nations) spolie les Palestiniens et les somme d’obtempérer… Ah, la mauvaise conscience des Occidentaux ! Plaszów n’est pas signalé et « reste peu et mal entretenu, enfin un terrain vague, quoi ! » (p 48).

Nouveau coup de théâtre : le groupe décide de visiter la vieille ville de Cracovie et le musée historique. Et c’est un coup de théâtre dans le coup de théâtre avec cet amateur de cigognes qui s’avère être un rescapé du ghetto de Cracovie (p 63). Valère Staraselski n’en est pas à son coup d’essai avec ce tableau contemplé par un amateur, car déjà en 2008, il fait admirer à Joseph Espérandieu, le personnage principal d’une Nuit d’hiver, une toile de Kosàrek à la galerie Nationale à Prague… Le thème du tableau est le même d’une certaine façon. Valère Staraselski retrouve dans ces tableaux ce qui a sauvé Zygmunt et Joseph… Des cigognes pour Zygmunt et un succédané de famille pour Joseph…

Les complicités de certains Polonais avec les nazis ne sont pas cachées : ces Polonais ont accompli les basses œuvres des nazis. C’est grâce à un paysan autochtone que Zygmunt est sauvé jusqu’à l’arrivée de l’Armée Rouge (p 86). Du chapitre 7 au chapitre 11, c’est l’activité du groupe avec Zygmunt ; au chapitre 12, le titre du roman de Valère Staraselski s’éclaire. Zygmunt, qui réapparaît à l’aéroport de Varsovie (il réside Tel-Aviv !) raconte l’histoire des cigognes qu’il contemplait au musée. Le titre de cette œuvre, Le Parlement des cigognes, explique le titre du roman : c’est aux cigognes qu’il doit sa survie : « Et puis, lorsque j’entendais le raffut qu’elles faisaient la nuit avec leurs becs… » (p 91). Et le chapitre se termine par un nouveau coup de théâtre ! Le chapitre 13 (dans lequel Zygmunt poursuit son discours) est une véritable leçon de vie et d’humanité, c’est-à-dire « le goût de (se) sentir vivant, d’appartenir à la grande tribu des êtres mortels et qui se doivent fraternité pour la raison même qu’ils sont mortels ! ».

Ce n’est pas un hasard si le roman se termine (ou presque) sur ces lignes : « Le silence de ces trois gardes nous en dit long sur la peur pendant la guerre, les rapports sociaux dans le monde rural, les mécanismes de conformisme de groupe et de pression sociale » (p 115). Ce n’est pas un hasard, non plus, si me vient à l’esprit ce vers de Bertolt Brecht : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». S’il y a une leçon à retenir de ce livre, c’est bien qu’il faut toujours combattre l’injustice…

Valère Staraselski, Le Parlement des cigognes. Le Cherche-Midi éditeur, 128 pages, 15 euros. En librairie, le 24 août 2017.


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