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Le Livre d’Amray
Valère Staraselski a lu le dernier roman de Yahia Belaskri

Le Livre d’Amray de Yahia Belaskri est davantage que le récit réaliste des déboires et désespoirs d’une génération, celle de l’auteur qui a eu 10 ans en 1962, année des accords d’Evian qui déboucheront sur l’indépendance de l’Algérie. Car, ce Livre qui utilise la majuscule en son titre entend bien rivaliser avec d’autres Livres pourvus, eux aussi, d’une majuscule – les livres sacrés bien sûr.

Signalons d’emblée que le mot Amray signifie en berbère à la fois
« celui qui a un avis sur tout », « celui qui peut donner un avis tout » ou encore « celui qui peut être un leader », autrement dit autant de définitions possibles du citoyen dans une démocratie.

La dimension allégorique est évidente dans ce roman dont l’action court des jours plutôt heureux d’un petit écolier pauvre grandissant avec ses copains Shlomo, juif, Paco, chrétien, qui devront quitter le pays où ils sont devenus désormais indésirables, jusqu’à l’état d’urgence de la fin des années 80 : le temps des viols, de la torture, des assassinats, de l’ignominie, intra-muros cette fois. Il s’agit là également d’un roman d’apprentissage : « Je ne croyais pas que mon pays était tel que je l’ai vu, je le pensais porté par un élan, une passion vivante, je l’ai trouvé englué dans le repli et la noirceur de l’ignorance. Je l’espérais vibrant, il était moribond. Je le voulais conquérant et l’ai découvert agressif. »

Sans doute le désespoir de l’auteur - et que la cause en soit historique ne change rien - est-il profond : « La défaite est totale. Nos rêves sont laminés. Plus rien ne sera jamais comme avant ».

Souvenons-nous, en écho, de l’interrogation du poète allemand Friedrich Hölderlin, en 1800 : « A quoi bon les poètes en temps de détresse ? » qui nous renseigne sur la désillusion de ceux qui voyaient s’éteindre les lumières de la Révolution française dans la Terreur et la guerre. Mais rappelons-nous également que trois ans plus tard, le même Hölderlin chargera, en quelques mots, les poètes de la tâche suivante : « Les poètes fondent ce qui demeure ».

En inscrivant le Livre d’Amray dans l’historicité avec notamment la présence de trois figures de résistance, Kahina, la chef de guerre berbère du 7ème siècle qui combattit les envahisseurs arabes, Saint-Augustin et Abd-el-Kader, Yahia Belaskri transcende douleur et désespoir, hausse son propos jusqu’à l’universel et répond de la sorte positivement à Hölderlin. Le lecteur ne peut être que touché en plein cœur.

Yahia Belaskri, Le Livre d’Amray, Zulma, p 143, 16,50 €


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