Cet ouvrage collectif se penche sur les transformations en cours du champ politique en France, avec le souci de revitaliser la démocratie.
Publié avant les dernières municipales, ce bref ouvrage collectif sur le devenir des partis n’a pourtant rien perdu de son actualité. C’est qu’il pose des questions de fond et pointe des tendances de long terme dans le champ politique. D’emblée, il distingue fort justement, sous la plume d’Igor Martinache, qui en signe l’introduction, la "forme parti" et le "système partisan" : "l’éclatement du second n’implique pas forcément l’obsolescence de la première", pointe le professeur agrégé de sciences sociales. Ainsi, à côté du désamour des Français pour les partis (que le record d’abstention au dernier scrutin a confirmé de façon spectaculaire), on peut relever, comme le fait encore Igor Martinache, l’explosion du nombre de partis en France, passés de 28 en 1990 à 493 en 2017. Ou encore observer, maintenant que les municipales sont passées, que les formations les plus récentes se prétendant davantage "mouvement" que "parti", telles la France insoumise ou LREM, ne sont pas parvenues à s’implanter au niveau local. Plus qu’à la description d’un au-delà possible de la forme-parti, les contributeurs du présent livre, sociologues et / ou politistes, s’attachent à penser, avec rigueur, les causes de l’entrée en crise des organisations partidaires. Frédéric Sawicki se penche sur la "présidentialisation de la République", en montrant que son impact n’est pas le même d’un bord à l’autre de l’échiquier (en l’occurence, ce phénomène a historiquement plutôt avantagé la droite). Pour leur part, Pierre Leroux et Philippe Riutort interrogent les conséquences d’une certaine "personnification de la vie politique", à travers les cas, assez symétriques de ce point de vue, d’Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Une symétrie que relève également, à sa façon, Carole Bachelot, lorsqu’elle souligne les "congruences" de leurs mouvements respectifs avec un modèle du "parti-cartel" faisant la part belle aux professionnels de la politique. "La République en marche ou la France insoumise se sont ainsi construites contre les formes de démocratie partisane et militante traditionnelles qui donnent aux adhérents la possibilité de peser sur la ligne politique", tranche de son côté Rémi Lefebvre, dans un texte stimulant sur la perte d’"ancrage social" des partis, en particulier à gauche. "Les "mondes" de la gauche (associatif, syndical, intellectuel, culturel, enseignant, ouvrier...) se sont largement désarticulés depuis les années 1970. Les partis de gauche ne sont plus le creuset de rapprochement sociaux ou d’alliances (de fractions) de classes populaires et moyennes intellectuelles", estime ainsi l’auteur, qui évoque par ailleurs le processus à l’oeuvre de "notabilisation" des élus. "Les réseaux d’élus contribuent à gauche à une forme de dépolitisation partisane par le bas alors que, dans le modèle du socialisme municipal ou du communisme municipal, les positions locales, à l’avant-garde du "progrès social", étaient censées constituer des laboratoires de changement social et des éléments de politisation des milieux populaires", considère-t-il, convoquant notamment, à l’appui de sa propre analyse, les travaux du sociologue Julian Mischi (lire "Servir la classe ouvrière", éditions PUR, 2009). Au final, cet ouvrage dresse un état des lieux exhaustif du système partisan français, très utile dans l’optique d’une ré-appropriation citoyenne de la politique.
La fin des partis ?, sous la direction d’Igor Martinache et Frédéric Sawicki, éditions Puf, 2020.