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Identité et révolte
Par Remi Boyer

Nous vous avons présenté il y a quelques mois l’ouvrage collectif L’oublié et l’interdit. Littérature, résistance, dissidence et résilience en Europe Centrale et Orientale (1947-1989) publié sous la direction de Roumania L. Stantchéva et Alain Vuillemin par les Editions de l’Institut d’Etudes Balkaniques, Editura Limes et les Editions Rafael de Surtis.

Voici le deuxième volet de ce travail remarquable intitulé Identité et révolte dans l’art, la littérature, le droit et l’histoire en Bulgarie, en Roumanie et en Europe Centrale et Orientale entre 1947 et 1989. Il s’agit une nouvelle fois des actes d’un colloque organisé sous le patronage des Ambassades de Bulgarie et Roumanie en France et des Ambassades de France en Roumanie et Bulgarie. Il s’est tenu les 3 et 4 mai 2007 à l’Université d’Artois. Les textes sont réunis par Roumania L. Stantchéva et Alain Vuillemin. L’ouvrage est également publié par les Editions de l’Institut d’Etudes Balkaniques, Editura Limes et les Editions Rafael de Surtis.

Le but de ce colloque international était de tenter un premier inventaire des formes d’expression de la révolte contre la censure généralisée à partir de témoignages venus d’écrivains et d’artistes de ces pays. L’objectif était de contribuer à une analyse de cette crise de l’identité dans les littératures minoritaires, mal connues, de l’Europe Centrale et Orientale, notamment roumaine, hongroise, croate, grecque, serbe, polonaise et bulgare. Les aspects historiques et littéraires, les dimensions culturelles, les affirmations identitaires et les paradoxes qui en ont résulté, l’identité et l’identification, autrui et soi, identité et résistance, déviances et dissidences, poésie et révolte, et aussi le rôle des institutions artistiques, culturelles, littéraires dans l’élaboration, le contrôle, la censure, la diffusion, la circulation et la réception des oeuvres furent les principaux thèmes traités.

L’ouvrage résonne étrangement à nos esprits. Alors qu’on veut aujourd’hui nous faire réfléchir sur le concept d’identité française afin de détourner notre attention de la décomposition accélérée et orchestrée du tissu social français, ce livre rappelle que la liberté est le premier fondement de l’identité. L’ouvrage nous décrit les ravages d’une censure dure alors même qu’une censure molle et sournoise, mais non moins toxique, est déjà bien emplantée en France. Ce que nous avons à apprendre de la rencontre avec les acteurs de la littérature proscrite qui nous sont présentés dans ce livre ce sont la source vive et les modalités mêmes de la résistance et de la création. Le fait que cette littérature souterraine, nourrie de cris et de désespoirs, jaillisse depuis quelques années au grand jour est une formidable leçon de liberté, de stratégie et de persévérance.

Les grands thèmes abordés, Une identité historiqueLittérature et dissidenceLittérature et contestationRévolte et survie – s’organisent le plus souvent autour de la question de l’identité. Alors que l’on pourrait croire que les totalitarismes se crispent autour de l’identité formelle, tout au contraire, ils dénient l’accès à l’identité, prétexte au contrôle. Ainsi l’identité devient une quête éperdue de soi-même, par la construction d’un « esprit dissident », à travers le camouflage, le dissentiment idéologique, le contournement, la culture alternative, le refus, la révolte, la dissidence, l’esthétique de la honte, l’errance ou encore l’outre-révolte des auteurs et artistes. Citons la belle conclusion de Roxana Bauduin à son intervention sur L’esthétique de la honte dans les poèmes de Dinu Flamand :
« on pourrait affirmer que l’ « esthétique de la honte » qui s’exprime dans les poèmes de Dinu Flamand se déploie, de façon métaphorique, sur trois plans : celui de la société à travers la lamentation, l’antinomie révélatrice et l’image de l’enfermement, celui de l’individu soumis à la démesure, à l’excès, à la désintégration de sa propre personne ou à sa transformation, à sa métamorphose et finalement, sur celui du temps, d’une durée persistante à travers la permanence de l’humiliation vécue. C’est en exprimant ainsi les angoisses et les tourments liés à l’histoire que cette poésie, que cette esthétique arrive à avoir une portée éthique, une visée qui cherche à nous « expliquer la consistance de la noirceur / Là [on] voit du blanc sale », comme le révèle le poète dans Courages des Saturnales. « 

C’est, pour le lecteur d’Europe occidentale, une opportunité de découvrir nombre d’auteurs méconnus ou oubliés, nos voisins de fait. C’est surtout une manière irrésistible d’approcher la bêtise humaine, toujours prête à s’organiser en lois, interdits, règlements, jugements et morales.


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