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Histoire d’un Allemand. Souvenirs (1914-1933) de Sebastian Haffner
La critique de Valère Staraselski

Il est des livres qui, par leur sujet et leur style, s’incrustent davantage dans la mémoire que d’autres. Histoire d’un Allemand de Sebastian Haffner, publié en 2000, un an après la mort de son auteur est de ceux-là.

De quoi s’agit-il ? Du parcours d’un jeune écolier allemand, s’enthousiasmant devant les batailles de la guerre de 14-18, déplorant la défaite de son pays et le Traité de Versailles, sans oublier la révolution spartakiste et la répression qui s’ensuivit qui, devenu un jeune étudiant en Droit ne songe qu’à quitter l’Allemagne nazie dès 1933 - ce qu’il fera en 1938 pour ne revenir dans son pays qu’en 1954. Ses souvenirs, ainsi déroulés dans un style qui rendrait jaloux plus d’un écrivain, sont un précieux témoignage sur la résistible ascension de la prise du pouvoir par Adolf Hitler et ses affidés.

Son vécu est que « la décennie 1914-1924 a presque tout bouleversé, presque tout détruit. La jeune génération a grandi dans un monde privé d’habitudes et de traditions ».

Ce qui ne l’empêchera pas lui comme d’autres de penser, à tort, des nazis « qu’ils pouvaient bien se comporter comme de bruyants sauvages, ils ne faisaient tout au plus qu’agiter la surface politique » et que « l’océan de la vraie vie n’était pas perturbé en profondeur ».

Or, le régime nazi balaiera toute possibilité de « pensée autonome » ou de « philosophie personnelle… L’élément décisif, écrit Haffner, c’est que la colère et le dégoût provoqués par la lâcheté et la traîtrise des chefs de l’opposition l’emportaient momentanément sur la colère et la haine à l’encontre du véritable ennemi ».

Une recension ne peut résumer un livre. Mais en essayant, cela pourrait donner : « 1914-1933 vécues de l’intérieur par un petit bourgeois d’un pays nommé Allemagne »...

Hitler (46 ans) sera nommé chancelier en janvier 1933 par le Président Hindenburg (86 ans). « Le 5 mars 1933, la majorité se prononçait encore contre Hitler - indique l’auteur – (après l’incendie du Reichstag dont il accuse faussement les communistes, Hitler rassemble 43,91 % des voix aux élections législatives). Qu’est ce-ce qu’il est advenu de cette majorité ? Est-elle morte ? A-t-elle disparu de la surface du sol ? S’est-elle convertie au nazisme sur le tard ? Comment se fait-il qu’elle n’ait eu aucune réaction visible ? »

Autant de questions auxquelles le récit de Sebastian Haffner répond en restituant avec conviction et finesse son expérience personnelle prise dans les circonstances historiques qui rendirent possible l’avènement du régime hitlérien.

Pour lui, « le mois de mars 1933 en a fourni la preuve. A l’instant du défi… les Allemands, comme un seul homme, se sont effondrés ; ils ont molli, cédé, capitulé – bref : ils ont sombré par millions dans la dépression. Le résultat de cette dépression généralisée fut le peuple uni, prêt à tout, qui est aujourd’hui (en 1939) le cauchemar du monde entier ».

Lisant ce bouleversant récit, on songe bien sûr aux magnifiques romans de Hans Fallada, notamment à Quoi de neuf petit homme ? C’est dire.

Histoire d’un Allemand. Souvenirs (1914-1933) de Sebastian Haffner
Actes sud, Babel 435 pages, 9,70 euros


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