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Halte au totalitarisme linguistique de M. Copé !
Par Georges Gastaud

Ni « tout-français » imposé dans les mosquées, ni « tout-anglais » imposé partout ailleurs !

Hallucinant ! Le même Jean-François Copé qui annonce que l’UMP veut mettre au cœur de la campagne présidentielle le basculement de la France au tout-anglais managérial [1], se réfère aujourd’hui au « pacte républicain » ( !) pour contester aux musulmans de France leur droit de prier dans la langue du Coran à l’intérieur des mosquées ! [2]

Les choses en sont arrivées au point qu’on ne saurait dire désormais ce qui l’emporte dans la politique linguistique de plus en plus fascisante du parti sarkozyste : est-ce sa volonté grossière de placer le culte musulman sous tutelle étatique au mépris des principes laïques, ou son acharnement contre le français, « langue officielle de la République » aux termes de la Constitution ? Car c’est désormais un fait massif et avéré que les milieux dirigeants de l’U.E., stimulés par de hautes personnalités patronales comme E.-A. Seillière [3]s’acharnent à imposer partout le Wall Street English avec le soutien zélé des ministres et des ex-ministres de Sarkozy, les Bokel, Chatel, Pécresse, Lagarde et autres Bernard Kouchner…

Car non content de voir le grand patronat basculer ses enseignes au business Globish (Renault-Trucks, Carrefour City, Simply Market, Family TGV…), non content de laisser des publicitaires sans imagination ni dignité matraquer leurs messages aliénants en globish aux heures de grande écoute, Mme Pécresse encourage les Grandes Ecoles, et bientôt les Universités, à délivrer en anglais tout ou partie de leur enseignement. Qu’importe si M. Descoings, le patron « branché » de Sciences po, bafoue pour cela la loi de 1994, qui fait du français « la langue de l’enseignement » : sans le moindre débat citoyen, M. Chatel enjoint les enseignant(e)s de maternelle de plonger sans relâche les bambins de trois ans dans un « bain linguistique » d’anglais, alors qu’à cet âge, les structures du français ne sont pas consolidées ; de leur côté, les enseignants du second degré nouvellement recrutés devront pouvoir enseigner leur discipline « en langue étrangère » (devinons laquelle ?) et les lycéens de TL perdront dès 2012 deux heures de français remplacées par un enseignement « de littérature étrangère en langue étrangère » (là encore, devinons laquelle ?).

Et comme tout cela est encore insuffisant aux yeux du très thatchérien Copé et de ses commanditaires patronaux et européens, comme en outre 80% des Français consultés par sondage [4] classent encore la langue de Molière au premier rang des identifiants nationaux, M. Copé vient d’annoncer que si l’UMP gagne les élections, les chaînes publiques devront matraquer en "praïme taïme" des programmes en anglais sous-titré ! Comme on le voit, on est fort loin ici du vieux débat académique sur la « pureté » de la langue française : derrière l’écran d’une « identité nationale » à fort relent islamophobe, l’oligarchie politico-financière a décidé d’officialiser sa politique de substitution de l’anglo-américain à notre langue nationale : qu’importe si la « France » niée et banalisée, dépouillée de sa langue, de sa protection sociale, de ses usines et de ses services publics, de sa souveraineté et de ses libertés, finit par ressembler au « couteau sans manche dont on a perdu la lame » jadis raillé par un humoriste...

Au train où vont les choses (et c’est identique ou pire encore en d’autres pays de l’UE), les langues nationales partout évincées par le business Globish auront tôt fait de disparaître ou d’être reléguées au rôle de patois. Triompherait alors une novlangue entrepreneuriale qui, sous le couvert d’un faux universalisme, pourrait ancrer dans les esprits l’idéologie néo-libérale, la grisaille culturelle et la discrimination linguistique contre les classes populaires : déjà de grandes entreprises ignorantes de l’Etat de droit recrutent des cadres supérieurs « English mother tongue » : ce qui revient à instituer une préférence nationale à l’envers contre laquelle les bobos hexagonaux, qui trouvent si chic de baragouiner l’anglais pour se distinguer du populo, ne feront guère le poids quand il s’agira pour eux de trouver un emploi, -pardon : un « job » !

Mais non content d’assassiner le français au profit de l’anglo-américain, M. Copé voudrait maintenant instrumenter notre langue nationale, qui est aussi celle de la francophonie mondiale, pour stigmatiser les musulmans de France dans le but de rabattre les voix du FN sur le parti présidentiel. En bref, vive le tout-américain dans les domaines jugés prestigieux (encadrement des entreprises, informatique, recherche, université, commerce, pub, chanson, cinéma…) mais très bizarrement, vive le tout-français dans les mosquées ! Voudrait-on faire haïr la langue de notre (de leur) pays par les Français d’origine maghrébine, qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! Ne serait-il pas plus judicieux, tout en renforçant l’apprentissage du français à tous les étages du système scolaire, de proposer l’arabe-LV1 dans les lycées publics où la demande existe ? Il y aurait là d’évidents débouchés pour de jeunes bilingues qui ne demandent qu’à jouer le rôle de traits d’union entre notre pays et le monde arabe en plein réveil démocratique !

Dans les mosquées, le recteur de la Mosquée de Paris, M. Dalil Boubaker, a eu parfaitement raison, en tant que REPUBLICAIN LAÏQUE, de rappeler à Sir Copé que son exigence linguistique à l’égard des musulmans est ouvertement discriminatoire : M. Copé exigera-t-il aussi dans la foulée que dans les synagogues, les juifs ne lisent plus la Thora en hébreu, que les orthodoxes n’utilisent plus le grec ou le slavon, ou que les catholiques traditionalistes renoncent à dire la messe en latin ? Le chef de l’UMP compte-t-il aussi proscrire les messes en breton, en basque, en corse, en alsacien, en occitan, en flamand ou en catalan ? Ce dangereux personnage, qui dresse la langue française contre le culte musulman pour tenter de conjurer la « raclée » annoncée des cantonales, ne réussira sans doute, en réalité, qu’à gonfler le score de Marine Le Pen ! (il est difficile de croire que ce n’est pas l’effet recherché).

M. Boubaker a également raison de rappeler à M. Copé que la loi laïque de 1905 stipule en son article II que « la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte » et qu’en conséquence, la laïcité à la française interdit aux Eglises de s’ingérer dans les affaires publiques comme elle défend à l’Etat de s’immiscer dans l’organisation interne des cultes. Il est vrai que l’actuel chef de l’Etat, qui ne se souvient de la laïcité que pour stigmatiser l‘islam, ne s’est jamais gêné pour violer la loi de 1905 à l’avantage du culte qu’il pratique à loisir devant les caméras : n’a-t-il pas validé le Protocole du Latran, qui reconnaît les diplômes catholiques en mettant fin au monopole de l’Université sur la collation des grades ? Au mépris de ses concitoyens athées, le « président de tous les Français » (sic) n’a-t-il pas célébré, lors de son séjour à Riyad, « Dieu transcendant qui est dans le coeur de chaque homme » ?

Il faut néanmoins reconnaître un mérite à M. Copé : celui d’avoir « vendu la mèche » sur la politique linguistique à double détente de l’UMP. Avançant au cri de « vive l’identité nationale ! » tout en alignant le French Euroland sur les « standards » régressifs des States et de l’UE, l’UMP cultive à la fois l’islamophobie d’Etat et une autophobie nationale dirigée contre l’« exception française » d’où nous vient tout le mal : entendons par là ces conquêtes sociales, culturelles et républicaines que notre peuple incurablement « jacobin », « cartésien » et porteur de mille autres tares, a héritées de sa lutte séculaire pour l’indépendance nationale, pour les Lumières et pour le progrès social à travers la Révolution française, le Front populaire, le programme du CNR et Mai 68…

Quoi d’étonnant alors si, soit pour la rendre odieuse aux musulmans, soit pour l’arracher de nos lèvres et de nos cerveaux au profit d’un sabir qui insulte l’idiome de Shakespeare, l’UMP s’acharne sur la langue de Brel et
Vigneault, de Brassens et de Ferrat, de Ferré et de Barbara… : une guerre à mort est désormais déclarée entre l’oligarchie capitaliste éprise de langue, de pensée, de politique et d’économie uniques, et la langue française qui a gravé dans le marbre de ses signifiants et de sa littérature magnifique la mémoire de nos luttes et l’écho frondeur de la francophonie internationale. Comme avant eux l’évêque Cauchon suppliciant Jeanne, comme les émigrés de Koblenz reniant leur peuple en révolution, comme les Versaillais de Thiers rampant devant Bismarck pour mater la Commune, comme tous ceux qui crurent (jamais n’est pas licite sous cette forme affirmative) dissimuler leur trahison derrière un chauvinisme ostentatoire, les Copé passeront et le peuple demeurera. Refusant de se laisser « coper » la langue, notre peuple multicolore reconstruira ses acquis sociaux et défendra le droit universel des peuples à la diversité linguistique, y compris en s’ouvrant aux langues de l’immigration et à la langue de Jack London, qui a fort peu à voir avec la non-langue glaciale du marketing, du coaching et du merchandising.

Les peuples arabes qui ont chassé Ben Ali et Moubarak aux cris de « dégage ! », les enseignants français qui ont inventé le beau mot de « désobéisseurs », ont plus fait pour la francophonie populaire que ne le feront jamais contre elle les gouvernants félons qui n’instrumentent le français que pour mieux le destituer, et qui n’allèguent la laïcité républicaine que pour mieux la discréditer.

Georges GASTAUD est Président du COURRIEL, association progressiste de défense de la langue française, auteur de Lettre ouverte aux « bons Français » qui assassinent la France, Temps des cerises, 2005.

Signataires : Jean-Jacques CANDELIER, Député du Nord ; Léon LANDINI, Président honoraire du COURRIEL – Officier de la Légion d’Honneur –Médaille de la Résistance – Grand Mutilé de guerre – Ancien Officier FTP-MOI ; Annie LACROIX-RIZ, Professeur émérite d’Histoire contemporaine (Université Paris VII Denis Diderot) ; Gaston PELLET, Membre du Bureau national du COURRIEL, (Adm. du site : http://www.defenselanguefrancaise.org) ; Régis RAVAT, Syndicaliste, Président de l’AFRAV (Site http://www.francophonie-avenir.com) ; Matthieu VARNIER, Chercheur en Automatique, Enseignant-vacataire en IUT, Secrétaire général du COURRIEL (Adm. du site : http://www.courriel-languefrancaise.org).

Publié sur le site http://www.politique-actu.com

Notes :

[1Jusqu’à Martine Aubry qui veut substituer le « care » compassionnel des dames patronnesses anglo-saxonnes à la « fraternité » du triptyque républicain !

[3Ernest-Antoine Seillière, appelé à intervenir en 2003 devant le Conseil européen, annonça qu’en tant que président de la confédération patronale européenne Business-Europe, il s’exprimerait en « anglais, la langue des affaires et de l’entreprise ». Quant au président de la banque centrale européenne (BCE), il déclarait devant les eurodéputés lors de sa prise de fonction : « I am not a Frenchman ! ».


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