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Fin 1983 le monde fut à deux doigts de la guerre nucléaire
Par Edouard Husson

Je suis en train de finir la lecture du remarquable ouvrage de Richard Rhodes, paru en 2007, Arsenals of Folly (Les arsenaux de la folie. Histoire de la course aux armements nucléaires). Documents à l’appui, l’auteur montre qu’il y a eu une phase bien plus dangereuse encore de la Guerre Froide que l’époque des missiles de Cuba : le début des années 1980. Les Soviétiques étaient convaincus, en 1982-1983, que les Américains envisageaient de lancer une première frappe nucléaire. A l’été 1983, la chasse américaine a violé par provocation à plusieurs reprises l’espace aérien soviétique (causant indirectement la mort des passagers du Boeing sud-coréen abattu par des chasseurs soviétiques). La marine américaine a plusieurs fois pénétré dans les eaux territoriales soviétiques. Les manoeuvres de l’OTAN de novembre 1983 connurent une ampleur inégalée, au point que certains dirigeants soviétiques étaient convaincus - déclarations reaganiennes sur l’Empire du Mal à l’appui - que le déclenchement d’une attaque suivrait immédiatement - ils étaient en particulier stupéfaits que Madame Thatcher et Helmut Kohl participent en personne aux simulations de déclenchement d’une attaque incluant des frappes nucléaires. La mise en place des fusées Pershing contribuait à entretenir cette angoisse. Plusieurs fois, les forces soviétiques ont été placées en alerte nucléaire en 1982-1983. En lisant le récit de Rhodes, je vois confirmée l’impression que j’ai toujours eue, d’un profond amateurisme de François Mitterrand, lorsqu’il se rendit au Bundestag, le 20 janvier 1983, pour appuyer l’installation des Pershing en Allemagne. « Les pacifistes sont à l’Ouest. Les missiles sont à l’Est », cette formule digne de Monsieur Homais signifiait l’incapacité de la politique française à comprendre les enjeux de l’histoire. Rendons à Reagan ce qui lui revient : lorsqu’il reçut un compte-rendu des contre-mesures prises par la Soviétiques lors des manoeuvres de l’OTAN de novembre 1983, il décida de pratiquer une forme de désescalade verbale, car il avait toujours, selon Rhodes, attribué à sa propre rhétorique anti-communiste une fonction de mobilisation intérieure plus importante que son rôle d’intimidation de l’URSS. C’est Gorbatchev qui a permis au monde de sortir d’un engrenage qui aurait pu être fatal ; mais Reagan, avec son côté imprévisible et rebelle aux dossiers préparés par des experts de l’armement ou du désarmement, s’est révélé paradoxalement un interlocuteur approprié face au nouveau secrétaire général du PCUS.

Publié sur le site Marianne 2 le 23 mai 2009


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