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Ce doux mot d’utopie…
Par Thierry Renard
à Sonia, dans tous ses états Poésie, la distance la plus courte entre deux humains.
2015 est une année particulièrement trouble et troublée, tragique par moments, porteuse de promesses à d’autres. Mais c’est aussi une année riche, intense, l’année des « 30 ans » de l’Espace Pandora, « agitateur poétique » de tout premier plan en Rhône-Alpes, l’année du quarantième anniversaire de l’assassinat de Pier Paolo Pasolini, immense artiste et intellectuel italien, donc mondial. 2015 est l’année de toutes les prises de risques. Mais Michèle Picard, maire sortante, a été réélue à Vénissieux – un point rouge sur la carte, avec du bleu autour. Tous les espoirs sont aujourd’hui permis. Drôle de fatigue et drôle de soirée, pourtant. Même ma langue est lassée. Langue fourchue mais bien pendue. Langue fière de son histoire et de ses origines. Langue-source, langue-torrent, langue tordue, langue encore muette quelquefois... Langue perdue, oubliée, mais langue rescapée. Tout un après-midi d’écriture. Plus de cinq heures de bonheur solitaire. Et quelques lectures pendant les pauses : Gramsci et Pasolini, notamment. Drôle d’endroit, chez soi. J’ai écrit pour l’égalité, sans rien dire, sans faire de bruit. J’ai écrit. Et j’ai découvert une faille dans le système. J’ai vu dans mon ciel en friche toute la lumière de tes yeux. Et ensuite j’ai bu toute l’eau de ta rivière. Sève, sève, ma gloire ! Drôle de soirée où j’ai caressé tes jambes, ton ventre, tes seins, ta chevelure. Où j’ai embrassé ta bouche. Notre amour aime le tracé de la phrase, le phrasé du regard, le déjeuner des parenthèses et la fièvre de notre sang qui bout. La fièvre, pareillement, des paragraphes et de la ponctuation. Drôle d’histoire insolite. C’est à distance que l’on sème et s’aime le mieux. Enlivrez-vous, enlivrez-vous sans cesse. Sans doute n’ai-je jamais été tellement jeune, jamais été à l’exact rendez-vous de la jeunesse... C’est sûrement pour ça que j’ai toujours fait plus vieux que mon âge. J’ai commencé à vraiment m’agiter au moment le plus obscur de l’adolescence et, depuis lors, je n’ai plus cessé. J’ai ainsi mené ma barque pour le meilleur de la cause, en direction des autres... Aucun regret ! J’ai vécu des heures intenses et les plaisirs me sont peu à peu devenus familiers. J’ai connu des instants de joie profonde. Maintenant, avec le temps, mon âge et ma vie ont fini par se rejoindre. Debout, là, dedans-devant. C’est obligé. J’ai passé de très nombreuses années à Ventimiglia, depuis l’adolescence. La ville sans aucun doute, au monde, que je connais la mieux après Vénissieux...
Mon grand truc, au fond, c’est l’humain. Et l’humain est devant nous. Je pense à Lucien Mazenod, inventeur et magicien, et à ses mots perdus, disparus même. Je pense à quelques autres êtres chers à mon cœur. Je pense à tous les « indignés » de ce monde qui voudraient faire de la politique autrement. Je pense aux démunis, aux défavorisés, aux sans-voix dont j’aime à me faire le porte-parole « poétique », prophétique même. Je pense, encore, à ce doux mot d’utopie. Mot qui veut surtout dire amour, poésie et liberté. Mot aux très nombreux reliefs. Alors, je passe à l’action et j’ouvre mon poème. AnniversaireSi nous comptons bien nos années et séparons
Ne nous laissons pas impressionner
Aujourd’hui l’imaginaire est sauf qui se partage
À l’époque de Marc Aurèle
*Poète des MinguettesTous, tous, tous,
Souvent on m’accuse de ne pas être assez
Je suis le patron le patron le patron
*Chez l’épicierLa boutique du marchand de couleurs promet plus qu’elle ne tiendra. Elle expose sa richesse quand le magasin est fermé.
Vendredi dernier à midi passé
Nous avions même très faim
Dans le quartier
Sympa il nous a proposé
Jambon saucisson et boisson
Certes nous étions un peu pressés
Pour finir sa femme
Au fond moi aussi
J’en ai assez des pleurnichards
Le vrai petit peuple est marxiste
Puis je me suis rendu
Maintenant quand je repense
La vie la mort et l’au-delà
Voilà, j’ai enfin tout lâché. Lâcher prise et lâcher morceau, voilà la vérité vraie, exprimée, de ce monde tourmenté, ensanglanté. Et je songe à ce doux mot d’utopie, qui me revient en bouche, qui n’a sûrement pas le goût amer qu’on lui attribue. L’utopie est ouverte, en ce printemps des réveils à venir. Bel aujourd’hui ! Thierry Renard [Vénissieux, dans la nuit du 29 au 30 mars 2015] |