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COP 28 : faut-il soutenir la proposition française d’interdire le financement privé pour les centrales à charbon ?
Eric Le Lann

En vue de la COP 28, la France vient d’émettre la proposition d’interdire le financement privé de nouvelles centrales thermiques à charbon.
Selon la presse, cette proposition aurait le soutien des Etats-Unis. Ce n’est pas surprenant, car elle est précisément faite pour ne gêner ni les Etats-Unis, ni l’Allemagne.

Les Etats-Unis sont devenus le principal producteur d’hydrocarbures, ils exportent à tout va leur gaz de schiste. Ils portent une responsabilité écrasante dans la situation actuelle, ayant été depuis Rio l’obstacle principal à ce que les accords climatiques aient un caractère contraignant. Mais comme ils diminuent l’utilisation du charbon pour produire l’électricité au profit d’une autre énergie fossile, le gaz, cette proposition leur va. Et d’autant plus qu’elle masque leurs responsabilités.

Quant à l’Allemagne, elle n’a pas besoin de nouveaux investissements dans des centrales thermiques, puisqu’elle vient tout juste de réaliser ces investissements ! Elle a ouvert en 2020 la centrale au charbon de Datteln 4, pour compenser l’électricité décarbonée perdue avec la fermeture de Fessenheim. Elle relance l’exploitation de ses mines de charbon en même temps qu’elle vient d’arrêter ses dernières centrales nucléaires. Elle n’a respecté ses engagements européens qu’en achetant des quotas de CO2 d’autres pays, subterfuge qui sera plus difficile à reproduire à l’avenir. Elle s’apprête à subventionner massivement la consommation de son électricité carbonée. Cette proposition masque aussi sa responsabilité.

Mettre l’accent sur les centrales à charbon sans voir le contexte dans lequel elles sont utilisées est un attrape-nigaud. Pour ces centrales, ce qui compte c’est combien de temps elles fonctionnent. Ainsi en France, elles ne produisent que 0,3% de l’électricité, car elles sont utilisées seulement pour passer les pointes extrêmes de consommation, alors qu’en Allemagne elles sont utilisées en permanence ou pour compenser l’intermittence de l’électricité éolienne ou photovoltaïque. D’où une électricité environ 10 fois plus carbonée que celle de notre pays. Un pays agit en conformité avec les recommandations du GIEC en ce domaine, un autre qui était pourtant en capacité de faire la même chose, a choisi de les piétiner.

Le comble c’est que cette proposition gêne les pays du Sud, l’Inde notamment. Or, mettre en accusation l’Inde, ou la Chine, tout en ne dénonçant pas les responsabilités de la 1ère et de la 3ème puissance mondiale contredit le principe de « responsabilité différenciée », principe à la base de la Convention de Rio et qui a toujours sa pertinence si l’on tient compte des émissions cumulées de CO2 dans l’atmosphère [1]. Cela alimente la confusion et c’est au final œuvrer à l’échec de la COP 28.

Sur la base de sa démonstration pratique que produire une électricité décarbonée est possible, la France devrait jouer un tout autre dans les négociations internationales et un rôle pionnier dans la décarbonation de l’économie mondiale. Si le climat est vraiment une affaire sérieuse, on ne doit pas laisser des choix diplomatiques de solidarité occidentale l’emporter sur les exigences de construction d’une réponse internationale sérieuse et enfin efficace.

Notes :

[1Le CO2 émis met plusieurs décennies à se dissiper. On peut visualiser les émissions cumulées sur le site :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/11/06/cop26-visualisez-les-emissions-cumulees-de-dioxyde-de-carbone-par-pays-depuis-1850_6101202_4355770.html


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