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A propos de Jaurès : le bien commun de notre époque
Par André Tosel

Jaurès n’a jamais séparé socialisme et communisme. Le « socialisme-communisme » jaurésien, c’est l’interpénétration de deux mouvements : l’économique et social, caractérisé par la production d’une richesse infinie et accaparée et le « moment » justice qui permet de reconnaître la dignité de la vie de chaque citoyen dans des institutions collectives où l’institution ne confisque pas ce qui monte de la base. Le socialisme, c’est la bonne vie dans la satisfaction des besoins et la libre reconnaissance de chacun dans le travail où la - coopération remplace la concurrence. Jaurès imagine un processus original qui permet la convergence de la bonne vie et de la vie bonne, du bonheur pour tous et de la liberté individuelle dans la collectivité - le mot collectivisme ne lui fait pas peur.

Il imagine le passage au - socialisme-communisme comme une lutte de classe - inéradicable, nécessaire, positive, où l’antagonisme de la bourgeoisie et du prolétariat prend la forme d’une émulation par laquelle chaque force sollicite, excite l’autre à donner le meilleur d’elle-même. Interpénétration qui ne signifie pas affadissement de cette lutte, mais montée de son intensité et de sa maturité. La bourgeoisie doit apprendre à respecter le prolétariat, à accepter que les droits deviennent réels. Le mouvement populaire doit apprendre le sérieux du travail, la discipline et la nécessité de résister en imposant à l’autre sa propre dignité. Émulation et reconnaissance réciproque conduisent à un état supérieur de la société qui ressemble à ce que - Gramsci cherchera plus tard avec « l’hégémonie ».

Il n’est pas possible aujourd’hui de répéter ce schéma, car le capitalisme mondialisé ne donne pas naissance à une bourgeoisie républicaine - capable de faire des concessions, d’intégrer et de converger avec le mouvement ouvrier. On peut se demander d’autre part, si la classe ouvrière et ses alliés possibles disposent des forces de négociation qui leur permettaient d’élargir la surface de contact avec la classe antagoniste et de la contraindre à des transactions allant dans le sens du mieux et du progrès. Reprendre à l’identique le processus jaurésien serait donc illusoire. Le défi d’aujourd’hui, c’est de chercher autrement ce dont Jaurès a été non pas l’anticipateur, mais le témoin critique : cette interface entre les classes dominées qui soit capable de reformuler et de prendre en charge pour toute la société la question du bien commun de notre temps.

Article paru dans l’Humanité des débats du 19 septembre 2009

Dernier ouvrage d’André Tosel : le Marxisme du XXe siècle. Éditions Syllepse


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