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Le lobby crétin
Par Bernard Fauconnier

Il y a quelques années, un aréopage de crétins, de droite en l’occurrence, avait protesté contre l’inscription d’une œuvre d’Aimé Césaire au programme de littérature de Terminale littéraire. Cette année, des profs de lettres, « de gauche » cette fois, protestent contre l’inscription des Mémoires de guerre du général de Gaulle au même bac de littérature. Que voient-ils dans ce choix ? Une sombre manœuvre de la droite pour récupérer de Gaulle ?

Il y a quelques années, un aréopage de crétins, de droite en l’occurrence, du moins on le suppose, avait protesté contre l’inscription d’une œuvre d’Aimé Césaire au programme de littérature de Terminale littéraire.

François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale, et bon ministre au demeurant, avait cédé à la pression de ce lobby d’abrutis post-coloniaux nostalgiques, et retiré l’œuvre du programme, ce qui n’est pas son plus haut fait d’armes.

Cette année, un autre aréopage de crétins, des profs de lettres « de gauche » cette fois, proteste contre l’inscription des Mémoires de guerre du général de Gaulle au même bac de littérature, s’estimant incapables d’étudier un texte de mémoires. Jules César, le cardinal de Retz, Saint-Simon, Chateaubriand et quelques autres ont du souci à se faire.

Que voient-ils dans ce choix ? Une sombre manœuvre de la droite pour récupérer de Gaulle ? Tant de sottise confond. Car franchement, ce programme est un magnifique pied de nez à cet étrange et navrant accident de l’histoire qu’est le successeur du fondateur de la Ve République.

Imaginez un peu, si les cours de littérature de Terminale sont assurés par des gens compétents, il s’en trouve, ce que pourra donner le petit jeu des comparaisons entre le chef de la France libre et celui qui occupe aujourd’hui son fauteuil. Je ne parle pas seulement des qualités littéraires, de la langue, du style, et ne comptez pas sur moi pour rappeler mesquinement que l’actuel occupant de l’Élysée n’obtint qu’un modeste 7/20 au bac de français, et guère plus dans les autres matières.

Non, je parle aussi de vision, de sens de l’État, de choix politiques et sociaux, de la France construite après la guerre dans le souci de valeurs communes à un certain christianisme issu du Sillon de Marc Sangnier, dont de Gaulle fut à sa façon un disciple nonobstant ses tropismes maurrassiens, et aux idées sociales qu’il avait méditées dans son exil londonien avec René Cassin.

Je parle du mépris de l’argent, hautain et constant, de la méfiance envers le capitalisme, de l’intuition que la situation faite au Tiers-Monde conduirait aux pires catastrophes, qui furent sa ligne de conduite permanente.

Sans vouloir résumer le gaullisme en trois lignes, et sans méconnaître ses fautes et ses préjugés, je voudrais simplement faire remarquer que toute l’entreprise sarkozyste est une destruction programmée de cet héritage.

Si quelqu’un devait censurer les Mémoires de Charles de Gaulle, c’est Sarkozy. Et si l’on ne veut pas se situer sur le plan politique, que l’on reconnaisse au moins aux Mémoires de Charles de Gaulle la puissance littéraire, la valeur du témoignage et le colletage avec l’Histoire qui en font une œuvre majeure, quoique d’une lecture parfois ingrate.

Peut-être est-ce dans le but d’épargner cette peine aux déshérités du sens et du langage qui peuplent les Terminales L que de bonnes âmes protestent contre l’inscription de cette œuvre au programme de ces pauvres petits. Pour ma part, j’y vois plutôt l’opiniâtre prédominance d’un certain crétinisme, celui de l’ignorance et de la mauvaise foi.

Article paru dans Témoignage Chrétien du 11 juin 2010


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